Partager la publication "En attendant le lever du soleil à Susiya : messages de Masafer Yatta"
ISM-Palestine, 6 novembre 2023. C’est une histoire composée de messages échangés ces derniers jours avec une militante internationale qui fait partie d’un groupe séjournant à Masafer Yatta, en Palestine occupée.
Ils sont arrivés récemment à Susiya et logent dans une ferme située à une certaine distance des autres familles vivant dans la région.
Environ 40 familles, soit 100 personnes au total, vivent à Susiya, réparties sur une superficie de 3 km² (3.000 dunums).
Je lui ai demandé ce qui se passait et elle a écrit : « À Susiya, personne ne peut désormais sortir chercher de la nourriture parce que les routes sont fermées et si les gens sortent, les colons les attaquent. Des militants israéliens ont donc commencé à apporter des colis de nourriture. »
Comme dans d’autres villages, les habitants ne peuvent pas emmener leurs animaux au pâturage et doivent apporter de la nourriture supplémentaire pour nourrir le troupeau. Elle m’a envoyé une photo d’une femme de la famille d’accueil faisant exactement cela, au moment où nous parlions.
« Je ne peux pas sortir les moutons parce que l’armée et les colons nous restreignent à une petite zone et que les colonies sont trop proches. Il ne s’agit pas d’une « règle officielle », mais les colons ont pris la loi en main et si les gens emmènent leurs moutons en dehors de la zone étroite autour de leurs maisons, les colons attaquent. Ils l’ont fait ici. Ils ont battu notre hôte et son frère venus nous rendre visite de Yatta. L’armée arrive pendant que les colons attaquent, mais ils restent là et ne font rien. »
« Nous sommes très proches d’une route dangereuse empruntée par des colons, à 200-300 mètres », a-t-elle déclaré. Je lui ai demandé de m’envoyer une photo de la route et elle a répondu avec un smiley et « Tu veux que je me fasse tuer ? ». Elle m’a envoyé une photo et m’a expliqué : « On nous a demandé de ne pas prendre la route. Il y a deux soldats qui regardent, alors je ferais mieux de ne pas m’approcher davantage. Les Palestiniens ne sont plus du tout autorisés à emprunter cette route et encore une fois, c’est la règle que les colons ont créée et ils la font respecter en tabassant les gens. »
J’ai demandé si les colons venaient dans la propriété de leurs hôtes et elle a répondu que les colons et les soldats s’en approchaient constamment.
Ils ne semblent pas venir sur la propriété en présence de militants étrangers ou israéliens, mais on ne peut jamais en être sûr.
Ce matin, mon amie m’a écrit à 5 heures du matin et je lui ai demandé ce qu’elle faisait si tôt. « Je regarde le soleil se lever au-dessus de Susiya », dit-elle avec un sourire. « Une femme chez qui nous logeons me regarde avec un visage hagard et des yeux gonflés et dit : « Je n’ai pas dormi depuis le début de la guerre », alors nous avons décidé de rester éveillés pendant la nuit par équipes pour que la famille puisse dormir un peu.
La famille a envoyé ses deux petites filles chez des parents à Yatta pour assurer leur sécurité.
Ce matin, mon amie terminait tout juste son « quart de garde de nuit » et attendait avec impatience le pain taboon chaud que l’hôtesse préparaient et la nourriture apportée par les militants israéliens. Elle m’a envoyé la photo de la femme portant un plateau de pâte pour le taboon.
« La nuit s’est bien passée, je pense… un gars a vérifié les lieux à distance à 3 heures du matin et il n’y a eu aucun problème. Je n’ai pas entendu de mauvaises nouvelles de la part d’autres équipes internationales. De l’autre côté de la vallée, ils nous surveillaient pour s’assurer que nous ne nous éloignions pas du lopin de terre qu’ils ont décrété comme étant le seul pâturage auquel cette famille a droit », et elle a ajouté : « Je pense qu’il y a plus de surveillants que de moutons »
Article original en anglais sur ISM-Palestine / Traduction MR