Le nouveau gouvernement d’extrême-droite d’Israël : des défis et des opportunités sans précédent pour les Palestiniens

Le gouvernement israélien d’extrême-droite donne aux défenseurs des droits des Palestiniens une responsabilité pressante et une occasion sans précédent de contester le colonialisme, l’apartheid et l’occupation.

Manifestation de soutien aux prisonniers palestiniens à Bethléem le 10 mars 2023 (photo Wafa)

Soutenant le récent pogrom des milices juives israéliennes fascistes contre les Palestiniens à Huwara, près de Naplouse, dans le territoire palestinien occupé, et incitant ouvertement au terrorisme d’État, Bezalel Smotrich, ministre de premier plan du gouvernement israélien, un « fasciste » autoproclamé, a déclaré : « Je pense que Huwara doit être effacé. C’est à l’État de le faire ».

Pourtant, le nouveau gouvernement israélien d’ultra-droite est le plus raciste, fondamentaliste, sexiste, corrompu, autoritaire et homophobe qui ait jamais existé – et sans masque.

Il constitue à la fois une escalade dans les politiques de colonisation et d’apartheid menées par Israël à l’encontre des autochtones palestiniens et un changement potentiellement radical dans ses vastes projets de « réformes » judiciaires, sociales et culturelles affectant la société juive israélienne et, très probablement, l’économie israélienne.

Cette situation confère aux défenseurs des droits des Palestiniens dans le monde entier, en particulier au sein du mouvement BDS, une responsabilité encore plus urgente et une opportunité sans précédent depuis 74 ans.

Les réactions féroces et radicales au sein de l’establishment politique, militaire et économique israélien, soutenues par une rhétorique plus ferme de la part des bailleurs de fonds occidentaux et anti-palestiniens d’Israël, de ceux qui les soutiennent et de ceux qui les défendent, créent des précédents qui peuvent potentiellement contribuer à exposer les fondements du régime israélien de colonialisme, d’apartheid et d’occupation militaire à des publics beaucoup plus larges à travers le monde.

Cependant, les opportunités à elles seules ne mènent pas au changement, mais fournissent seulement un terrain fertile pour celui-ci.

Le mouvement antiraciste BDS pour la liberté, la justice et l’égalité des Palestiniens, dirigé par la plus grande coalition palestinienne jamais formée, a la responsabilité particulière de repousser encore plus loin les limites en dénonçant le régime d’oppression d’Israël et en lui demandant des comptes, tout en analysant soigneusement, précisément et efficacement les réalités actuelles afin d’orienter notre campagne en faveur des droits de l’homme.

S’il y a jamais eu un moment pour sortir de nos zones de retrait et faire grandir notre mouvement intersectionnel et la pression BDS, c’est bien maintenant !

1. Introduction

Alors qu’il a publiquement soutenu le récent pogrom des milices fascistes juives-israéliennes contre les Palestiniens à Huwara, Smotrich n’est cependant pas le premier dirigeant israélien à afficher un soutien public ou à menacer d’actes génocidaires les autochtones palestiniens.

En 2008, le chef du parti travailliste Matan Vilnai a menacé les Palestiniens d’une « plus grande shoah [Holocauste] » si les groupes de résistance ne cessaient pas leurs représailles armées contre le siège criminel et les attaques violentes d’Israël à Gaza.

Une erreur récente des censeurs israéliens a accidentellement révélé des documents secrets exposant le soutien de David Ben Gourion à « l’anéantissement » des villages palestiniens pendant la Nakba de 1948, un ministre de son premier gouvernement admettant : « Disons que des viols ont eu lieu dans [la ville palestinienne nettoyée ethniquement] Ramle. Je peux pardonner les cas de viol, mais je ne pardonnerai pas d’autres actes », tels que le retrait forcé des « bijoux des femmes ».

Nous assistons à rien de moins qu’une reconfiguration du projet sioniste de colonisation. Cela donne aux défenseurs des droits des Palestiniens dans le monde entier, en particulier au sein du mouvement BDS, une responsabilité encore plus pressante et une opportunité sans précédent depuis 74 ans.

Nous devons encore maximiser nos efforts de construction de mouvements moralement cohérents et stratégiques afin de disposer d’un pouvoir populaire suffisant pour réaliser un changement qualitatif en exposant le vrai visage du régime d’oppression d’Israël et en lui demandant des comptes, en tant que contribution à la lutte de libération palestinienne.

Voici une analyse des principaux changements survenus dans la société israélienne et de leur impact potentiel sur la lutte pour la libération de la Palestine en général et sur le mouvement BDS en particulier.

2. Différences en nature ou en degré ?

Ce gouvernement israélien d’extrême droite constitue à la fois :

  • (a) une différence de degré par rapport aux indigènes palestiniens, car il n’est qu’une continuation plus fanatique et non masquée du régime israélien de colonialisme et d’apartheid, vieux de 74 ans [1], et
  • (b) une différence de nature par rapport à la société coloniale israélienne, qui est la plus corrompue, la plus autoritaire, la plus fondamentaliste, la plus sexiste et la plus homophobe qui soit.

Là où les projets de ce gouvernement diffèrent en nature, c’est dans les politiques sociales, culturelles et judiciaires qui affectent principalement la société juive-israélienne, où la corruption et le populisme jouent un rôle sans précédent dans l’orientation d’un changement radical de gouvernance.

Cela a déjà un impact sur l’économie israélienne et conduit à un début de « fuite des capitaux » qui inquiète profondément les planificateurs économiques israéliens.

L’indignation de l’establishment sioniste « laïc » d’Israël, à prédominance ashkénaze (représenté par des politiciens de haut rang, des banquiers, des cadres de la haute technologie, des chefs de la sécurité militaire, des universitaires, des personnalités des médias, des économistes, des juristes, des personnalités culturelles et autres) et de ses partisans dans le courant libéral dominant de l’Occident colonial tourne autour de (b) et non de (a).

Dans leurs analyses, leurs attaques furieuses contre le « régime du coup d’État » et les « solutions » qu’ils proposent, ils s’efforcent à la fois d’effacer les Palestiniens de l’équation et de blanchir le régime permanent d’oppression dont nous sommes victimes [2].

3. Défendre la démocratie des colons

Un examen rapide des principales accusations que l’opposition de l’establishment lance contre le nouveau gouvernement, ou des parties de celui-ci, souligne cet effacement conscient et persistant des Palestiniens autochtones : « fasciste » [3], « fasciste messianique » [4], « autoritaire », « attaquant la liberté elle-même », « illibéraliste à l’état pur », voire « menace pour la paix mondiale ».

D’anciens responsables politiques, militaires, judiciaires et même financiers israéliens crient lors de manifestations de masse que les plans du gouvernement risquent de « paralyser l’économie », de déclencher une « guerre civile », de conduire à un « effondrement constitutionnel et social », de déclencher une « intifada légale », de causer une « blessure mortelle à la démocratie », de « tuer les médias israéliens », de « bafouer les droits de l’homme », etc.

La tendance fasciste qui est aujourd’hui communément mentionnée dans le courant dominant israélien a toujours fait partie intégrante du sionisme politique. Mais elle est aujourd’hui plus forte et plus audacieuse que jamais dans l’actuel gouvernement israélien, où des ministres de premier plan prônent ouvertement, encouragent ou soutiennent des théories ou des « solutions » génocidaires ou extrêmement violentes et racistes au « problème » indigène palestinien. [4]

Le kahanisme [5], qu’un rédacteur en chef de Haaretz qualifie de « variante juive du fascisme » [6], est désormais bien ancré dans le courant dominant et dans les hautes sphères du gouvernement, ce qui nous donne une occasion importante d’exposer les structures de l’oppression.

Tout État prétendument démocratique et respectueux du droit international, aussi hypocrite soit-il, aura beaucoup plus de mal que jamais, face à la résistance organisée et efficace du mouvement de solidarité grandissant, à défendre ses relations chaleureuses – complices – avec Israël, fondées sur le prétexte de « valeurs démocratiques communes ».

Mais encore une fois, l’opportunité seule ne mettra pas fin à la complicité. Un mouvement de solidarité de masse efficace, stratégique et fondé sur des principes peut devenir un catalyseur majeur, comme cela s’est produit dans plusieurs États occidentaux contre l’Afrique du Sud de l’apartheid.

L’éléphant dans la pièce que l’opposition israélienne et ses partisans anti-palestiniens ignorent intentionnellement est que l’objectif réel et primordial de ce gouvernement israélien, comme de tous les précédents, est d’enraciner le colonialisme de peuplement en accélérant l’annexion de facto et de jure d’une plus grande partie du territoire palestinien occupé.

La Haute Cour/Cour suprême, bien qu’elle ait soutenu et permis l’entreprise illégale de colonisation d’Israël et protégé ses crimes de guerre de la responsabilité internationale pendant des décennies, est toujours accusée par l’extrême droite, dirigée depuis toujours par le Likoud [7], d’entraver l’achèvement du projet colonialiste d’Israël que la coalition considère comme son objectif le plus fondamental, comme l’a admis Netanyahu dans son tweet infâme mais honnête. [8]

Ces attaques contre un gouvernement israélien en exercice de la part de l’establishment israélien reflètent une véritable crainte que ses plans « irrationnels » et « irresponsables » n’exposent le vrai visage du régime d’oppression d’Israël et ne dévoilent des aspects fondamentaux de la démocratie coloniale d’Israël. [9] [On ne peut pas « résoudre la quadrature du cercle de la ‘démocratie juive’ », après tout.

Israël a en effet été une démocratie relativement dynamique pour ses colons juifs tout en maintenant simultanément un régime brutal d’oppression sur les Arabes palestiniens indigènes, y compris les réfugiés. Comme le dit Ilan Pappe, Israël est une « démocratie herrenvolk, une démocratie uniquement pour les maîtres ». C’est cette démocratie herrenvolk, ou ce que Peter Beinart appelle la « démocratie libérale pour les juifs », qui est en train d’être sapée aujourd’hui.

Daniel Blatman, éminent spécialiste israélien du fascisme, du nazisme et de l’Holocauste, affirme qu’Israël a « un gouvernement populiste qui s’approche du fascisme ». Pourtant, dans une longue interview, où il ne mentionne pas une seule fois les Palestiniens, il se concentre sur les « réformes judiciaires » du gouvernement en déclarant :

Si ces « réformes » judiciaires sont mises en œuvre, dans une réalité aussi complexe que celle d’Israël, elles conduiront à un désastre. Nous ne sommes pas la Pologne. En Pologne, il y aura des élections dans six mois. Que le gouvernement soit remplacé ou non, les gens s’en accommoderont. Mais là où se trouve Israël, avec sa composition sociale interne, avec l’occupation, avec une population [arabe] minoritaire de 20 %, avec une situation si complexe en termes de sécurité, de société, d’économie, le populisme est une recette pour la ruine. Non seulement des valeurs morales, mais aussi de l’existence même du pays…

Ce qui était autrefois l’extrême droite est aujourd’hui au centre. Des idées autrefois marginales sont devenues légitimes. En tant qu’historien spécialiste de l’Holocauste et du nazisme, il m’est difficile de dire cela, mais il y a aujourd’hui des ministres néonazis au sein du gouvernement. On ne voit cela nulle part ailleurs – ni en Hongrie, ni en Pologne – des ministres qui, idéologiquement, sont de purs racistes. [C’est nous qui soulignons].

Ce qui terrifie vraiment Blatman et ses semblables, c’est que ce « fascisme », qui a toujours été une composante authentique et organique du colonialisme sioniste dirigé contre les indigènes palestiniens, atteint sa conclusion logique : il se transforme en une menace sérieuse pour l’establishment juif-israélien lui-même, et risque de s’effondrer sur certains de ses fondements. [10]

Un régime d’oppression raciste ne peut empêcher le racisme inhérent à son système d’injustice envers les opprimés de s’étendre à sa propre société d’oppresseurs, comme l’admettent aujourd’hui certains commentateurs israéliens honnêtes. [11]

Le fait que la Cour suprême d’Israël ait toujours été un pilier du système colonialiste qui fournit un indispensable « dôme de fer juridique » protégeant les criminels de guerre israéliens de la responsabilité internationale n’apparaît pas sur le radar de l’opposition de l’establishment sioniste.

Parmi ses nombreux crimes contre les Palestiniens, par exemple, la Haute Cour a confirmé en 2021 la loi de 2018 sur l’État-nation juif, qui déclare que « le droit d’exercer l’autodétermination nationale » en Israël est « unique au peuple juif ».

Elle a donc officiellement défini les citoyens palestiniens d’Israël comme des citoyens de seconde zone, un statut qu’ils ont toujours eu. En 2022, la Haute Cour – dont l’un des juges réside dans une colonie illégale du territoire palestinien occupé (TPO) de 1967 – a autorisé l’expulsion forcée d’un millier de Palestiniens de leurs maisons à Masafer Yatta, en Cisjordanie occupée, pour faire place à une « zone d’entraînement » de l’armée.

La décision a explicitement rejeté le principe selon lequel le droit international est « coutumier et contraignant » dans le TPO.

Orly Noy, présidente de B’Tselem, a réfléchi à cette complicité judiciaire en déclarant : « Je n’irai pas à une manifestation à Tel-Aviv où des militaires montent sur scène pour dire que nous devons lutter contre les réformes judiciaires parce que, sinon, la communauté internationale aura des raisons d’envoyer nos gens devant la Cour pénale internationale. L’accent devrait être mis sur le fait de ne pas commettre de crimes de guerre en premier lieu. Je ne peux pas manifester pour protéger le statu quo ».

4. Réformer la colonie de peuplement

Bien que dirigée par Benjamin Netanyahu, « Monsieur Néolibéralisme », la coalition comprend des partis fondamentalistes clés (Shas et United Torah Judaism) qui en ont assez du néolibéralisme et de l’austérité de l’establishment et qui prônent le développement de l’ « État-providence », même si ce n’est que pour les Israéliens juifs.

Bien que le Shas ait également abordé par le passé la question du racisme interne israélien (contre les juifs arabes/mizrahi, les juifs haredi/fondamentalistes, etc.

Néanmoins, les partis fondamentalistes imputent en partie la « corruption » démographique de la société juive aux centaines de milliers de « faux » juifs (la majorité absolue des colons provenant d’anciennes républiques soviétiques) et à la corruption culturelle de la société juive par les « corps étrangers » et la pensée occidentale « dégénérée », en particulier la pensée chrétienne provenant des églises d’Europe.

Parallèlement, les violentes attaques israéliennes contre les Palestiniens chrétiens, leurs églises, leurs cimetières et leurs monuments, accompagnées de chants « Mort aux chrétiens » et « Mort aux Arabes et aux Gentils », se sont multipliées.

De l’autre côté, l’establishment « laïque » reproche aux ultra-orthodoxes d’être un « fardeau » pour les caisses de l’État sans y contribuer beaucoup (en moyenne, un Israélien non haredi paie six fois plus d’impôts qu’un haredi, par habitant) et d’être « corrompus » et « fanatiques ».

Eran Yashiv, professeur d’économie à l’université de Tel-Aviv, considère la réforme judiciaire comme une sorte d’accaparement des ressources par les ultra-orthodoxes et l’extrême droite sioniste religieuse.

Selon lui, « il s’agit d’une redistribution du secteur de la haute technologie vers les minorités religieuses et nationalistes … cela ferait d’Israël un pays illibéral ».

En outre, l’establishment « laïque » et ses intellectuels récitent de plus en plus le célèbre paradoxe de la tolérance du philosophe Karl Popper : « pour maintenir une société tolérante, la société doit être intolérante à l’égard de l’intolérance ».

Ils accusent la « tolérance » apparemment illimitée de l’élite dirigeante laïque à l’égard des opinions et des actes manifestement intolérants des grandes et influentes communautés religieuses sionistes haredi et ultranationalistes, ce qui a conduit à la réalité coercitive d’aujourd’hui. Là encore, l’ « intolérance » consensuelle des sionistes à l’égard des autochtones palestiniens, pour ne pas dire plus, ne figure pas dans ces débats.

Ne se contentant plus de réformer l’establishment sioniste « laïque », ces partis ultra-orthodoxes alliés à des partis religieux ultra-nationalistes sont déterminés à le remanier ou à le réinventer complètement, craint l’establishment « laïque », afin d’institutionnaliser davantage leur notion d’exclusion de l’ « identité juive ». Maintenir intactes les structures d’oppression des colons à l’encontre des autochtones palestiniens resterait le dénominateur commun entre les deux faces de la médaille des colons.

5. Indicateurs clés de la différence de nature

La nouvelle coalition israélienne au pouvoir prévoit de promulguer de nombreux changements, certains basés sur la plate-forme consensuelle de la coalition et d’autres exprimés par certains de ses ministres, mais pas tous. Certains de ces plans ciblent de facto ou peuvent affecter des piliers fondamentaux des structures de pouvoir de l’État :

  • Donner à la Knesset le pouvoir d’annuler les décisions de la Haute Cour de justice et « politiser » la composition du Comité de sélection judiciaire, principales revendications des puissants mouvements de colons dans les TPO, menace de saper la relative séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le pouvoir législatif (tous deux contrôlés par la coalition au pouvoir) d’une part et le pouvoir judiciaire d’autre part. Ce dernier a toujours joui d’une relative indépendance vis-à-vis de la politique parlementaire israélienne intra-juive malgré son rôle constant et fondamental de pilier de la structure coloniale contre les Palestiniens. [13] Le pouvoir massif actuel de la Haute Cour est considéré comme le garant fondamental du système de « freins et contrepoids » dans un État qui n’a pas de constitution et une seule chambre parlementaire. [14] Malgré leur impact potentiellement drastique, ces réformes bénéficient d’un fort soutien de l’opinion publique juive israélienne.
  • Créer un poste ministériel distinct au sein du ministère de la Défense, nommé par Bezalel Smotrich, contrôlant la soi-disant « administration civile » d’Israël dans les TPO, qui règne sur les Palestiniens et les colons illégaux, est sans précédent. En parallèle, Itamar Ben-Gvir, le « ministre de la sécurité nationale », doit prendre le contrôle direct de l’intégralité de la police des frontières, une force qui opère sous le commandement de « Tsahal » en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est. Cela pourrait en effet « briser toute la stratégie de Tsahal », a averti Giora Eiland, un général israélien à la retraite et ancien conseiller à la sécurité nationale.

Plusieurs commandants militaires israéliens de haut rang ont averti que ces changements pourraient « changer radicalement le visage de Tsahal » ou même conduire au «
démantèlement de [sa] chaîne de commandement » et affaiblir sa préparation au combat. Certains ont exprimé la crainte que ces réformes n’enracinent davantage l’annexion de facto et de jure de la Cisjordanie, « compliquant » les relations avec les bailleurs de fonds et facilitateurs occidentaux d’Israël, soulignant implicitement l’impact croissant que le mouvement de solidarité peut avoir.

D’autres plans consistent à amener la politique de « judaïsation » d’Israël d’apartheid à un niveau qualitativement nouveau. Au-delà de son utilisation constante en tant que stratégie coloniale de peuplement pour déplacer de force les Palestiniens indigènes et leur voler leurs terres [15], la « judaïsation » devient une politique qui menace – quoique dans une moindre mesure – également des secteurs au sein de la société juive israélienne dominante :

  • Le gouvernement fait pression pour une loi fondamentale sur la législation qui stipule que toute loi fondamentale (une loi dotée d’un pouvoir constitutionnel) précédemment adoptée avec une majorité de moins de 61 membres du parlement perdra son statut de loi fondamentale et deviendra une loi « régulière ». L’objectif principal est de rétrograder la loi fondamentale sur la dignité et la liberté humaines, adoptée à la 12e Knesset par une majorité de 32 membres contre 21.
    La juge à la retraite de la Cour suprême Ayala Procaccia a commenté : « Transformer la loi fondamentale [sur la dignité et la liberté humaines] en une loi ordinaire signifie nier la suprématie des droits de l’homme et les soumettre à la volonté de tout gouvernement qui passe, et cela compromet également la capacité du tribunal pour protéger l’individu ou la minorité d’une atteinte disproportionnée à ses droits les plus fondamentaux ». Elle a ajouté que le préjudice peut s’appliquer à « tous les aspects de la vie dans lesquels des droits humains existent : égalité et non-discrimination, liberté d’expression, droits de propriété privée, droit à la vie privée, à la circulation et droit à la liberté de religion et de religion. » Encore une fois, sa déclaration fait référence, sans aucune ironie, aux droits fondamentaux des Israéliens juifs, certainement pas à ceux des Palestiniens autochtones.
    La Haute Cour d’Israël a systématiquement rejeté les appels à la pleine égalité [16] pour les citoyens palestiniens d’Israël, les principaux juges faisant valoir qu’une telle égalité menacerait la « judéité » de l’État. Pour des raisons évidentes, l’égalité n’est pas inscrite dans les lois fondamentales d’Israël.
  • Selon les accords de coalition, environ 500 millions de dollars seront alloués au « renforcement de l’identité juive » en Israël – une expression qui est comprise par l’establishment « laïc » comme signifiant l’endoctrinement religieux orthodoxe. Il est également prévu de faire de l’étude de la Torah une valeur égale au service militaire, ce qui permettrait au gouvernement d’adopter pour la première fois une loi exemptant de service militaire les étudiants de yeshiva, cette exemption devenant de jure, pas seulement de facto comme cela a toujours été le cas. [17]
  • Le député Avi Maoz (parti Noam), vice-ministre au cabinet du Premier ministre responsable de l’établissement de « l’autorité pour la sécurité de l’identité » et des programmes d’éducation parascolaires, s’est engagé à profondément « judaïser » l’éducation, en mettant l’accent sur la loi juive (halacha) et la suprématie juive. Il dit : « Notre drapeau est une guerre sans équivoque contre le progressisme. Le statu quo doit être changé et nous devons nous assurer que le judaïsme est reconnu partout. Israël sera un État qui observera le Shabbat en public. Les familles LGBT ne seront pas reconnues et les femmes ne serviront pas dans l’IDF. Leur contribution sera de se marier et d’élever une famille. »
  • Les plans de la coalition incluent « l’augmentation des pouvoirs des tribunaux religieux qui discriminent les femmes, l’augmentation de la ségrégation entre les sexes dans la sphère publique et la résistance aux initiatives de lutte contre la violence à l’égard des femmes au nom de la préservation de l’autorité masculine au foyer ». La « misogynie » de la coalition est régulièrement attaquée par l’opposition. [18] À Tel-Aviv, Jérusalem et Haïfa, des dizaines de femmes israéliennes ont manifesté déguisées en servantes du livre de Margaret Atwood The Handmaid’s Tale sur une société fondamentaliste fictive qui opprime les femmes.
  • Une législation est proposée donnant aux prestataires de services, y compris aux médecins, le droit de refuser des services à quiconque si la fourniture d’un tel service entre en conflit avec leurs croyances religieuses. Cela est largement interprété comme donnant aux Israéliens de tous horizons les moyens de refuser des services non seulement aux Palestiniens (musulmans et chrétiens), mais aussi aux personnes juives LGBTQI+ et aux femmes juives en tenue impudique, etc. Comme tous les fondamentalismes religieux, le fondamentalisme juif est excluant et encourage la haine raciale et la violence. [19] En tant que mouvement systématiquement antiraciste, BDS appelle cependant à éviter, au cours du processus, toute généralisation ou analyse qui pourrait involontairement évoquer des tropes antisémites.
  • Outre son impact évident sur les Palestiniens, un autre aspect important de la montée en puissance de l’intégrisme juif au sein du gouvernement israélien est la nouvelle restriction attendue de la définition israélienne des juifs pour exclure ceux qui sont convertis par des rabbins non orthodoxes. Ben-Gvir a appelé à révoquer la reconnaissance par l’État des conversions non orthodoxes. Ceci, et des mesures similaires, rendront probablement furieux des millions de juifs non orthodoxes, en particulier aux États-Unis où le judaïsme réformé reste la plus grande confession juive, offrant de nouvelles opportunités aux groupes juifs antisionistes progressistes – dont le rôle dans le mouvement est crucial et plus important que jamais – pour accroître le soutien.
  • Dans un précédent, un haut ministre du gouvernement a récemment déclaré : « Je suis un homophobe fasciste », portant un coup dur à la stratégie bien huilée de pinkwashing d’Israël.
  • Suite à l’attaque meurtrière contre des colons israéliens à Jérusalem-Est occupée le 27 janvier 2023, les colons n’ont pas seulement scandé leur hymne : « Mort aux Arabes ! », mais aussi « Mort aux gauchistes ! » L’extrême-droite israélienne a toujours détesté cequ’elle considère comme des juifs israéliens « de gauche », principalement des sionistes purs et durs de l’establishment (comme les dirigeants travaillistes ainsi que des personnalités telles que Shimon Peres, Yitzhak Rabin, Yair Lapid, les principaux juges de la Cour, etc. .) qui voulaient renforcer le régime de colonisation et d’apartheid qu’ils avaient construit au départ, mais qui s’efforçaient de maintenir le masque de propagande nécessaire de la démocratie et du libéralisme et étaient donc prêts à abandonner un peu de contrôle sur un minuscule morceau de Palestine historique pour mettre en cage des millions de Palestiniens dans des bantoustans/ghettos. Pour eux, Gaza est le parfait modèle colonial de peuplement sur la façon de traiter le « problème » des Palestiniens autochtones à travers la Palestine historique : « un maximum de terres avec un nombre minimal d’Arabes ».
    Cette « gauche » de l’establishment a un objectif ultime et primordial : sauvegarder la colonie de peuplement en prolongeant la majorité démographique et la suprématie juives d’Israël pour les décennies à venir. Bien qu’elle ne soit pas nouvelle, l’attaque des colons d’extrême-droite contre les juifs israéliens « de gauche », les assimilant aux indigènes déshumanisés, est désormais renforcée par le soutien de ministres influents du gouvernement. Au contraire, les véritables gauchistes juifs israéliens, qui sont par définition anticolonialistes et soutiennent le démantèlement du colonialisme et de l’apartheid, ne sont pas partie prenante de ce débat de l’establishment. [20]

6. Indicateurs clés de la différence de degré

Pour les Palestiniens, les politiques en cours de colonisation et d’apartheid sont devenues plus brutales tandis que les plans à long terme sont accélérés avec une approche beaucoup plus arrogante des relations internationales qui rejette carrément les véritables préoccupations exprimées par les partenaires criminels d’Israël aux États-Unis et en Europe :

  • Ce gouvernement met enfin en œuvre le rêve de l’extrême-droite : l’annexion de facto et sans doute de jure sur la plupart, sinon la totalité, des TPO en intensifiant et en « légalisant » la colonisation partout, y compris dans les hauteurs du Golan syrien occupé, conformément au plan d’annexion « Accord du siècle » de Trump-Netanyahu. Les premières étapes officielles vers l’annexion de jure ont déjà été prises.
  • Les gouvernements israéliens successifs, en particulier ceux dirigés par le Likud et ses partenaires d’extrême-droite, ont progressivement effacé la soi-disant Ligne verte (frontière de l’armistice de 1949), dans les faits sinon dans la loi. [21] En conséquence, les Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne (les Palestiniens de 1948) ont été de plus traités comme faisant partie de la population arabe palestinienne « ennemie », et non plus comme des « Arabes israéliens » devant être différenciés des autres Palestiniens et effectivement cooptés pour leur faire accepter comme leur destin leur citoyenneté de seconde classe sous le système global d’oppression coloniale. Avec le gouvernement israélien actuel, cette tendance sera beaucoup plus nette et plus difficile à cacher, donnant un nouvel élan à l’unité palestinienne qui s’est manifestée le plus vigoureusement lors du soulèvement de mai 2021 dans la Palestine historique. Les idées kahanistes ou inspirées par Kahane de l’intensification du nettoyage ethnique des communautés palestiniennes de 1948, ou « transfert statique », qui ont été populaires pendant des décennies parmi les principaux dirigeants du Parti travailliste et du Likud, devraient maintenant gagner encore plus de popularité dans le courant dominant.
  • Nachman Shai, un ancien ministre israélien de la Diaspora, a déclaré que les plans de la coalition visant à approfondir la domination juive orthodoxe en Israël éloigneraient les Juifs non orthodoxes dans le monde entier, aggravant leur rupture avec Israël. [22] Ces plans incluent l’interdiction des prières juives mixtes dans n’importe quelle partie de la soi-disant « place » du Mur occidental [23] (quartier marocain ethniquement nettoyé dans la vieille ville occupée de Jérusalem) et l’annulation de la clause de « petit-fils » dans la « loi du retour » coloniale, excluant de fait de l’éligibilité, en vertu de cette loi raciste, les petits-fils et les petites-filles d’un grand-père non juif.
  • La discussion souvent censurée sur la montée en puissance du sionisme fondamentaliste juif en Israël et son impact potentiellement fatal sur les Palestiniens autochtones est davantage publique maintenant sous ce gouvernement. Pendant des décennies, des personnalités juives fondamentalistes sionistes ont appelé au génocide et aux massacres contre les musulmans et les chrétiens arabes (en particulier palestiniens), en utilisant des interprétations fanatiques de la loi juive (Halakha) pour les justifier. Par exemple, Shmuel Eliyahu, le grand rabbin de Safad et père d’un ministre actuel du gouvernement, s’est réjoui de la mort de dizaines de milliers de personnes en Turquie et en Syrie à la suite du tremblement de terre dévastateur de février 2023, le qualifiant de « justice divine » contre les « ennemis » d’Israël.
  • Si les gouvernements précédents de Netanyahu, moins fascistes et moins fondamentalistes, ont formé de solides alliances avec des partis, des mouvements et des régimes d’extrême-droite, autoritaires et despotiques dans le monde entier, presque tous explicitement antisémites, son nouveau gouvernement « le plus raciste de tous les temps » promet de faire de ces alliances à un tout autre niveau. Sa principale priorité diplomatique, par exemple, est de normaliser les relations avec la dictature saoudienne.
  • L’actuel ministre israélien des Affaires stratégiques et ancien ambassadeur à Washington Ron Dermer a déclaré en 2021 qu’Israël devrait consacrer davantage d’énergie à tendre la main aux évangéliques américains « passionnés » qu’aux Juifs. Les sionistes chrétiens, a-t-il dit, sont « l’épine dorsale » du soutien américain à Israël, tandis que les juifs américains sont « de manière disproportionnée parmi les critiques [d’Israël] ». Le partenariat étroit d’Israël avec les sionistes chrétiens, sans doute l’une des communautés [24] les plus puissantes et profondément antisémites au monde (en Occident et de plus en plus dans le Sud), présente une plus grande menace non seulement pour les droits et la vie des Palestiniens, femmes, LGBTQI+ et d’autres communautés de foi, mais aussi pour la sécurité des juifs dans le monde entier, comme de nombreux groupes juifs progressistes ont constamment mis en garde.

7. Des réponses sans précédent : faits marquants

Ce qui précède et bien d’autres évolutions ont alarmé, irrité et radicalement déstabilisé comme jamais auparavant l’establishment sioniste ashkénaze – relativement laïque – qui est hégémonique depuis des décennies en Israël et dans les communautés juives des États-Unis et d’ailleurs. Voici quelques-uns des indicateurs les plus significatifs, depuis que le nouveau gouvernement a prêté serment, de cette expression sans précédent d’inquiétude face à une menace « existentielle » pour Israël de l’intérieur, ainsi que de la crainte accrue, bien que souvent exprimée de manière implicite, d’un isolement et de boycotts croissants [25] :

7.1. Répercussions économiques : De la « Start-Up Nation » à la « ShutDownNation » [26]

Les « réformes judiciaires » prévues par le gouvernement ont provoqué la fureur du courant « libéral » en Israël et en Occident plus que n’importe quel autre de ses plans ou actions concrètes sur le terrain. Le gouverneur de la Banque d’Israël a averti M. Netanyahu que ses vastes réformes judiciaires pourraient nuire à l’économie israélienne. Il aurait fait part d’inquiétudes partagées par d’autres participants au récent sommet du Forum économique mondial de Davos, selon lesquelles la refonte du système judiciaire israélien effacerait les contrôles et les équilibres démocratiques.

Cela pourrait potentiellement endommager la monnaie, conduire à une décision d’abaisser la cote de crédit du pays et faire fuir les investissements étrangers. Il semble que le gouverneur ignorait alors que le premier vote de défiance à l’égard de l’économie israélienne et de l’environnement d’investissement viendrait de chefs d’entreprise israéliens, et non étrangers.

Dans un projet de son rapport annuel, l’OCDE [27] a déclaré : « La corruption en Israël a augmenté ces dernières années et est plus élevée que dans les autres pays de l’OCDE ». Elle a averti que l’ébranlement de la confiance dans les institutions publiques et le système judiciaire pourrait entraîner la perte d’investissements nationaux et étrangers en Israël.

Des centaines d’économistes israéliens de haut niveau ont écrit dans une lettre à M. Netanyahou : « La concentration de vastes pouvoirs politiques entre les mains du groupe au pouvoir, sans contrôle ni contrepoids solides, pourrait paralyser l’économie du pays ». [Par la suite, 56 économistes de renommée mondiale, dont 11 lauréats du prix Nobel, ont averti que les réformes étaient « préjudiciables à la prospérité et à la croissance économiques [d’Israël] ».

Le cadre le plus influent du secteur de la haute technologie à s’être joint aux manifestations est Tzahi Weisfeld, vice-président d’Intel, qui a récemment déclaré : « J’ai contribué à la création de nombreuses grandes entreprises en Israël. Je l’ai fait à partir d’ici parce que je suis sioniste et fier d’être Israélien, et parce que je suis engagé dans l’industrie. J’ai toujours été en mesure d’expliquer pourquoi tout devait être géré à partir d’ici. On m’a souvent demandé de convaincre des dirigeants de multinationales de venir s’installer ici. Ces dernières semaines, quelque chose s’est brisé en moi et je ne suis pas le seul à le vivre ». Weisfeld conclut : « Nous sommes à la veille de la disparition de la haute technologie en Israël ». Il s’agit sans doute de l’indicateur le plus significatif à ce jour de l’influence majeure que l’engagement idéologique en faveur du sionisme et de son projet de colonisation a joué dans la détermination des investissements internationaux massifs en Israël, en dépit des conditions de « sécurité » exceptionnellement risquées de ce pays.

HSBC a rejoint le chœur des investisseurs inquiets en déclarant que les réformes pourraient conduire à « une détérioration de l’environnement d’investissement et donc peser sur la monnaie ».

Reflétant l’état d’esprit des milieux d’affaires israéliens, Leo Bakman, président de l’Institut israélien pour l’innovation, un incubateur de 2 500 jeunes entreprises, a résumé les inquiétudes des milieux d’affaires israéliens en déclarant : « Les investisseurs prennent du recul et disent : ‘D’abord, décidez si vous êtes une démocratie ou une dictature, et ensuite nous discuterons’. … Si je pensais que cette ‘réforme » [judiciaire] revenait à se tirer une balle dans le pied, je réfléchirais probablement à deux fois avant de m’exprimer. Mais je crois que nous sommes en train de nous tirer une balle dans la tête ». Un banquier suisse anonyme de haut rang aurait utilisé la même métaphore.

Alors que les craintes d’un « coup d’État judiciaire » s’intensifient, la protestation du secteur de la haute technologie dépasse les gestes symboliques pour se traduire par des mesures financières concrètes. Des sources bancaires israéliennes ont affirmé que, dès la mi-février, quelque 4 milliards de dollars avaient déjà été transférés des banques israéliennes vers des banques principalement américaines et européennes. Les entreprises de haute technologie ont transféré à elles seules plus de 780 millions de dollars. En outre, un revenu global de 2,2 milliards de dollars généré par des activités à l’étranger a été conservé dans des banques à l’étranger et non transféré dans des banques israéliennes.

Fin février, selon Zvi Stepak, fondateur et propriétaire de Meitav Investment House, qui compte un million de clients et gère des fonds d’une valeur de 60 milliards de dollars, les investisseurs israéliens avaient déjà réduit leurs investissements dans des fonds communs de placement spécialisés dans les obligations de l’État d’Israël et les obligations de sociétés israéliennes d’un montant considérable de 3,4 milliards de NIS (près d’un milliard de dollars). Cela pourrait convaincre les investisseurs institutionnels en obligations israéliennes, en particulier aux États-Unis, d’envisager un désinvestissement en raison des risques fiduciaires.

Boaz Barak, un banquier israélien de haut rang qui a travaillé pendant des décennies pour des banques suisses, estime que « les sorties de fonds d’Israël vers la Suisse ont, à elles seules, atteint des milliards de dollars [au cours des dernières semaines] ». Il explique : « L’économie mondiale évolue sur la base des émotions et de la psychologie des troupeaux. Il est absolument clair que la confiance dans les systèmes financiers locaux et les institutions gouvernementales est le moteur de la vie quotidienne dans les pays développés. Cette confiance est facile à perdre et très difficile à rétablir. La méfiance est un élément contagieux. Lorsque les Israéliens perdent confiance en leur pays, les banquiers étrangers ont également tendance à adopter ce message. Le manque de confiance décourage les investissements dans les entreprises internes du pays et dans les industries de pointe ».

Les protestations les plus vives contre les « réformes judiciaires » prévues sont venues de l’influent secteur israélien de la haute technologie, dont la contribution totale à l’économie représente environ 25 % du PIB, selon une étude de Deloitte datant de 2022, et au moins 40 % du total des exportations. Le fonds américain Insight Partners, le plus grand investisseur dans la haute technologie israélienne (il investit dans 75 entreprises/startups), a envoyé une lettre à toutes les entreprises dans lesquelles il a investi, mettant indirectement en garde contre la ‘révolution’ judiciaire et culturelle poursuivie par le gouvernement israélien. Elle condamne également ses « tentatives de piétiner les libertés individuelles » ainsi que les « actes de haine, de violence ou de discrimination ».

Des dizaines de leaders israéliens du secteur de la haute technologie ont envoyé à M. Netanyahu une lettre dans laquelle ils déclarent « Nous, entrepreneurs et fondateurs de jeunes entreprises en Israël, investisseurs et gestionnaires de fonds de capital-risque, nous adressons à vous avec inquiétude en raison des implications destructrices pour l’économie en général, et pour l’industrie de la haute technologie en particulier, qui pourraient résulter des mouvements législatifs qui se déroulent ces jours-ci à la Knesset. … l’affaiblissement du statut des tribunaux, ainsi que l’atteinte aux droits des minorités fondées sur la religion, la race, le sexe ou l’orientation sexuelle, représenteraient une menace existentielle substantielle [pour] la glorieuse industrie de haute technologie qui s’est construite en Israël au prix d’un dur labeur au cours des trois dernières décennies. L’affaiblissement de la confiance dans le système judiciaire et, par conséquent, dans la démocratie israélienne, une législation qui remet en question les droits fondamentaux de chaque personne, pourrait décourager les investisseurs qui ont été à l’origine de la croissance de cette merveilleuse industrie ». [28] [C’est nous qui soulignons]

Au moins 16 grandes entreprises israéliennes de haute technologie ont organisé une grève sans précédent d’une heure fin janvier à Tel Aviv et dans d’autres centres de haute technologie. Le PDG d’une entreprise de haute technologie a déclaré : « La haute technologie apporte beaucoup d’argent [à Israël]. Elle est le moteur de l’économie dans certaines parties du pays. 40 % des exportations israéliennes proviennent du secteur de la haute technologie, qui disparaîtra dans une seconde. Ces personnes reçoivent tous les jours des demandes de renseignements de la part d’entreprises américaines ; pensez à la vitesse à laquelle elles se lèveront et s’envoleront. Que se passera-t-il si les 10 % les plus performants du secteur de la haute technologie disparaissent ? L’activité s’arrêtera ».

Parmi les entreprises de haute technologie qui ont rendu public leur désinvestissement important d’Israël, on peut citer la société de cybersécurité Wiz, les fonds de capital-risque Disruptive et Disruptive AI, qui gèrent ensemble 250 millions de dollars, et Papaya Global, un fournisseur de Microsoft et de Toyota. La PDG et cofondatrice de Papaya a déclaré qu’elle avait décidé de retirer « tous les fonds de l’entreprise d’Israël » parce qu’ « il n’y a aucune certitude que nous puissions mener une activité économique internationale à partir d’Israël. Il s’agit d’une mesure douloureuse mais nécessaire pour les entreprises ».

Les entreprises mises à part, les Israéliens aisés, dont les économies avoisinent chacun le million de dollars déposés dans des banques israéliennes, feraient « la queue pour rencontrer leurs banques et leur dire qu’ils veulent transférer la moitié de leur argent à l’étranger ».

Adam Fisher, cofondateur de Bessemer Venture Partners, qui a financé plus de 30 start-ups israéliennes, prévoit un avenir sombre dans lequel les investissements internationaux dans la haute technologie israélienne suivront les entrepreneurs s’ils quittent le pays. Environ 90 % de tous les investissements dans la technologie israélienne proviennent de sources étrangères. M. Fisher déclare : « Lorsque j’investis en Israël, je n’investis pas vraiment dans l’économie israélienne ; je ne regarde pas le shekel, l’infrastructure ferroviaire ou la croissance du PIB. J’investis dans des entrepreneurs, et si ces entrepreneurs veulent s’installer ailleurs, c’est très bien. »

Le 27 février 2023, les résultats d’une nouvelle enquête menée par Fisher et Michal Tsur, président de la société de logiciels Kaltura, ont été publiés, montrant que 90 % des entrepreneurs israéliens et des dirigeants d’entreprises de haute technologie déclarent que s’ils devaient rétablir leurs entreprises respectives aujourd’hui, ils les constitueraient en dehors d’Israël.

Gigi Levy-Weiss, partenaire du fonds de capital-risque NFX, l’un des principaux investisseurs dans la haute technologie israélienne, a déclaré : « Cette chose que nous avons construite pendant de nombreuses années peut, en une seconde, tomber et descendre dans un abîme dont nous ne pourrons pas sortir. Bien que les dommages causés à la haute technologie soient graves, ils ne s’arrêtent pas là. Elle entraînera une augmentation du taux de change du dollar, un affaiblissement du shekel, une dégradation de la cote de crédit d’Israël et une augmentation des taux d’intérêt. Cette combinaison se traduit par des dégâts immédiats dans la poche de chaque citoyen et par un coup direct sur les retraites ».

7.2. Faire tomber le masque de la démocratie: l’impacte croissant de la campagne BDS

Qu’elles établissent ou non un lien entre le processus actuel d’affaiblissement de la démocratie des colons israéliens et le régime de colonisation et d’apartheid mis en place depuis des décennies à l’encontre des autochtones palestiniens, des voix israéliennes issues du courant sioniste dominant décrient l’érosion de la « démocratie » et appellent soudain les soutiens d’Israël, en particulier les États-Unis et l’Europe, à imposer des « sanctions » ciblées à l’encontre des dirigeants israéliens.

L’analyste chevronné Akiva Eldar va beaucoup plus loin, appelant les États-Unis et l’Europe à cesser de protéger Israël des sanctions internationales au Conseil de sécurité des Nations unies, à s’abstenir de bloquer les demandes de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) exigeant qu’Israël signe le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, et même à ce que l’UE mette fin à son généreux accord de libre-échange avec Israël.

Les dirigeants occidentaux racistes anti-palestiniens, comme le président français Emmanuel Macron, ont averti Netanyahu que son projet d’érosion de l’ « indépendance » de la Haute Cour forcerait la France à « conclure qu’Israël a rompu avec la perception dominante de la démocratie. » Mais alors que l’UE avait gelé le transfert de milliards d’euros à la Hongrie après qu’elle ait échoué à mettre en œuvre des réformes démocratiques, l’UE n’a jamais pris de mesures de responsabilité similaires contre le système israélien de violations massives des droits de l’homme, vieux de plusieurs décennies, y compris le fait de gouverner des millions de Palestiniens sans aucun droit démocratique. L’UE, avec son hypocrisie coloniale typique, rejette toujours les appels à imposer des sanctions à Israël, arguant qu’il s’agit toujours d’une « démocratie qui fonctionne ».

Le rabbin Rick Jacobs, président de l’Union pour le judaïsme réformé, la plus grande confession juive des États-Unis (environ 2 millions de membres), s’est adressé aux manifestants « anti-coup d’État » à Tel-Aviv le 25 février, exprimant de vives inquiétudes et déclarant effectivement que si Israël perdait son masque démocratique, il serait beaucoup plus difficile de le défendre contre le BDS aux États-Unis. « Chaque jour, nous luttons contre ceux qui délégitiment Israël. Chaque jour, nous défendons la relation spéciale entre les États-Unis et Israël, une relation fondée en grande partie sur nos valeurs communes de démocratie et de droits de l’homme », a-t-il déclaré, ajoutant : « Les menaces qui pèsent sur la démocratie israélienne mettent en péril la position d’Israël dans la communauté mondiale des nations démocratiques ».

Plus de 200 dirigeants de l’establishment juif américain, dont d’anciens responsables de l’AIPAC, ont critiqué les projets du gouvernement Netanyahou qui ciblent les juifs non orthodoxes ou qui pourraient conduire à une nouvelle annexion des terres palestiniennes occupées.

Deux anciens fonctionnaires américains, aux références sionistes incontestables, Aaron David Miller, ancien haut fonctionnaire du département d’État, et Daniel C. Kurtzer, ancien ambassadeur à Tel-Aviv, ont cosigné un article d’opinion dans le Washington Post, qualifiant les partenaires de la coalition de M. Netanyahou de « partis d’extrême droite radicaux, racistes, misogynes et homophobes ». Ils recommandent à l’administration Biden de « ne pas fournir d’armes offensives ou d’autres formes d’assistance aux actions israéliennes malveillantes à Jérusalem ou dans les territoires occupés », de « ne pas traiter avec Ben-Gvir, Smotrich ou leurs ministères s’ils continuent d’épouser des politiques et des actions racistes x et d’informer Netanyahu que « le soutien des États-Unis à Israël dans les forums internationaux, y compris le Conseil de sécurité de l’ONU et la Cour internationale de justice, a ses limites ».

Le membre juif le plus haut placé du Congrès américain a averti que la « relation critique » d’Israël avec les États-Unis « pourrait être irrévocablement tendue si Israël allait de l’avant avec les amendements judiciaires antidémocratiques proposés par le ministre de la Justice ». Plusieurs initiatives de membres du Congrès, pour la plupart des partisans typiquement anti-palestiniens de l’apartheid israélien dont l’intention manifeste est de « sauver Israël » de lui-même, appellent maintenant la Maison Blanche à faire pression sur Israël.

Ils affirment que les réformes de M. Netanyahu « mettraient en péril la démocratie israélienne, ce qui, à son tour, saperait le fondement même des relations entre les États-Unis et Israël ». Elles donneraient également « du pouvoir aux législateurs d’extrême droite qui cherchent à consolider la colonisation de la Cisjordanie et à faire avancer un programme en faveur de l’annexion, sapant ainsi les perspectives d’une solution à deux États et menaçant l’existence d’Israël en tant qu’État juif et démocratique ».

L’influent Institut d’études de sécurité nationale de l’université de Tel-Aviv a récemment publié son évaluation annuelle des menaces qui pèsent sur Israël, plaçant au premier rang la perte progressive du soutien des États-Unis, ce qui inclut la perte du soutien des juifs américains.

Cette analyse tient implicitement compte de l’impact croissant du BDS, y compris chez les jeunes juifs américains, comme l’affirment de récents sondages. Sa principale conclusion est que la « relation spéciale » d’Israël avec les États-Unis est en danger en raison d’un changement générationnel qui s’exprime par « l’influence que la jeune génération progressiste a eue en niant la légitimité d’Israël et du sionisme, qu’elle considère comme l’expression d’une suprématie colonialiste blanche ». Le glissement d’Israël vers l’extrême droite, avec les tendances fascistes démasquées au sein du gouvernement, ne fera qu’aggraver et accélérer ce « danger ».

Des personnalités juives sionistes de l’establishment au Royaume-Uni ont commencé à exprimer des critiques discrètes à la suite du pogrom israélien à Huwara. Un éminent historien a appelé la communauté juive mondiale à s’élever contre la « désintégration complète du pacte politique et social » d’Israël, mettant en garde contre le fait qu’Israël devienne une « théocratie nationaliste ». Le rabbin Jonathan Romain a déclaré : « La faction extrémiste du gouvernement [israélien] est hostile aux homosexuels, aux femmes, aux libertés civiles, au pluralisme et aux Palestiniens. Les juifs britanniques ne sont plus des partisans inconditionnels [d’Israël], mais des amis critiques, qui expriment publiquement leurs critiques. »

7.3. Bouleversement du complexe « militaro-intelligent »

Il a souvent été dit qu’Israël est une armée avec un État, ce qui n’est pas le cas des États normaux. L’armée est de loin l’institution à laquelle la société juive israélienne fait le plus confiance (presque à 90 %) et qu’elle vénère le plus. L’instabilité ou les premiers signes de révolte dans ce pilier du régime israélien sont donc bien plus lourds de conséquences que dans n’importe quel autre domaine.

Pour la première fois, un bouleversement se prépare au sein de l’establishment du renseignement militaire pour protester contre les réformes du gouvernement, en particulier son projet d’adopter une loi exemptant les étudiants de yeshiva du service militaire, rendant cette exemption de jure, et non plus seulement de facto comme elle l’a toujours été.

C’est l’un des principaux facteurs à l’origine de la vague de milliers de réservistes militaires israéliens qui refusent de servir ou déclarent leur intention de ne pas servir [29], une tendance qui fait craindre – de façon quelque peu exagérée – à des observateurs chevronnés que l’armée israélienne ne se « désintègre ». Les réformes judiciaires et l’exemption potentielle de jure du service militaire pour les ultra-orthodoxes « sapent le moral et la motivation des soldats, tant dans le service obligatoire que dans les réserves, et mettent à mal l’éthique de ‘l’armée du peuple’ », selon Yossi Melman, éminent journaliste israélien et expert reconnu en matière de renseignement et d’affaires militaires.

Sur la base d’estimations prudentes, il affirme que « des milliers [de soldats] hésitent ou refusent carrément de se présenter au travail », concluant que « le barrage a déjà éclaté et que le conflit a déjà pénétré l’armée ». Le bouleversement a atteint l’élite de l’élite, non seulement 1200 pilotes, mais aussi 500 vétérans de l’unité 8200 (renseignement d’origine électromagnétique), 410 réservistes des unités ultrasecrètes du renseignement militaire qui soutiennent les forces spéciales et le Mossad, ainsi que, selon Melman, 500 anciens agents du Shin Bet et des agents actuels du Mossad.

En outre, environ 150 réservistes qui servent en tant que spécialistes de la guerre cybernétique ont annoncé le 2 mars 2023 qu’ils cesseraient de se présenter au travail si la réforme judiciaire était avancée. Parmi eux se trouvent des officiers des grades de colonel, lieutenant-colonel et major. Sans ironie aucune, ils craignent que « le cadre moral et juridique qui nous permet de développer et d’exploiter les capacités sensibles dont nous avons la charge soit mis à mal » et qu’ « un régime dépourvu de contrôle judiciaire puisse utiliser ces capacités de manière immorale et en contradiction avec les valeurs démocratiques ». [30]

7.4. Perdre le « Dôme de de fer juridique »

Les soldats israéliens et les organisations qui les défendent ont protesté contre l’impact considérable que l’affaiblissement du pouvoir de la Haute Cour aurait sur la protection des criminels de guerre israéliens contre la Cour pénale internationale (CPI). L’une de ces organisations, Darkenu, a déclaré « La Haute Cour est le gilet pare-balles des soldats de Tsahal, elle protège nos fils et nos filles qui servent dans l’armée contre les tentatives de pétition contre les soldats de Tsahal devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. »

Les pilotes d’élite de l’armée de l’air israélienne se joignent aux manifestations, et leur principale préoccupation est que les réformes pourraient faire d’eux les « premiers dans le collimateur du tribunal de La Haye ».

Un avocat américain qui a été pendant des décennies un fervent apologiste des crimes de guerre israéliens explique : « Il y a un concept à la Cour pénale internationale qui s’appelle la complémentarité. Cela signifie que la Cour pénale internationale n’est pas compétente pour juger des individus si leur pays dispose d’un système juridique capable de rendre la justice de manière satisfaisante. À l’heure actuelle, la Cour pénale internationale n’est pas compétente à l’égard d’Israël parce que la [Haute Cour] israélienne fait un travail remarquable pour protéger les droits des individus et des victimes présumées de crimes de guerre. Elle juge les soldats et les colons, et ce Dôme de fer juridique [la Haute Cour israélienne] serait considérablement affaibli par ces réformes judiciaires, ce qui permettrait aux ennemis d’Israël de prétendre plus facilement que la Cour pénale internationale devrait être compétente à l’égard des Israéliens. »

7.5. Impact universitaire et culturel

Le comité des présidents de toutes les grandes universités israéliennes, y compris la colonie-collège Ariel, a averti que les réformes judiciaires radicales entraîneraient des « dommages fatals » pour les institutions éducatives du pays et exacerberaient les boycotts académiques.

Ils ont écrit : « Cela risque de se manifester par une fuite des cerveaux … ; les étudiants … et les collègues internationaux ne viendront pas en Israël ; notre accès aux fonds de recherche internationaux sera limité ; les industries étrangères se retireront de la coopération avec le monde universitaire israélien ; et nous serons exclus de la communauté internationale de la recherche et de l’éducation ».

En réponse à un autre projet de loi du gouvernement qui donnerait au ministre de l’éducation le pouvoir de nommer le conseil d’administration de la bibliothèque nationale d’Israël, l’université hébraïque, qui est copropriétaire de la bibliothèque avec l’État, a menacé de retirer toutes ses collections de la bibliothèque, ce qui porterait gravement atteinte à la réputation de cette institution coloniale.

Des donateurs du monde entier ont également déclaré qu’ils cesseraient de soutenir la bibliothèque si elle devenait un instrument politique.

D’éminents cinéastes israéliens ont appelé au boycott du fonds Rabinovich pour avoir exigé une « déclaration de loyauté ». Il est important de noter qu’ils n’avaient jamais appelé à un tel boycott sous les gouvernements précédents, en dépit du fait que le serment de loyauté est appliqué depuis 2017. Leur timing serait une protestation préventive contre les projets du nouveau ministre de la Culture d’obliger tous les fonds cinématographiques du gouvernement israélien à ajouter leur propre déclaration de loyauté, dans le cadre des conditions d’attribution des fonds aux nouvelles productions.

Le président de l’Académie israélienne des sciences et des lettres a mis en garde contre les risques que les réformes judiciaires font peser sur le principal bailleur de fonds de la recherche israélienne, la Fondation israélienne pour la science (ISF), qui fait largement appel à des évaluateurs externes venant de l’étranger. Il a déclaré : « [N]ous voyons les premiers signes d’une augmentation des refus d’examen. Si cette tendance se confirme, elle portera gravement atteinte à la capacité de l’ISF d’évaluer la science israélienne, ce qui aura des répercussions considérables ».

8. La solidarité

8.1. Solidarité avec les Palestiniens

Une solidarité effective avec la lutte des Palestiniens pour la liberté, la justice et l’égalité est plus urgente que jamais. Les milices fascistes israéliennes, soutenues ouvertement par les principaux ministres du gouvernement d’extrême droite, brûlent sans relâche – et en toute impunité – les maisons, les vergers, les oliviers centenaires et les magasins des Palestiniens, et volent nos terres, tout en asphyxiant notre peuple partout dans des espaces assiégés de plus en plus restreints. Notre résistance populaire sur le terrain, soutenue par la solidarité significative de millions de personnes à travers le monde, est le seul facteur qui les empêche de perpétrer des pogroms bien pires.

La condition préalable fondamentale de la solidarité est de mettre fin à la complicité avec le régime d’oppression. L’intensification des actions BDS dès maintenant – la rupture des liens académiques, culturels, économiques, financiers et militaro-sécuritaires avec l’Israël de l’apartheid, avec les institutions, les banques et les entreprises complices – est indispensable non seulement pour nous remonter le moral et entretenir l’espoir d’une vie juste, paisible et digne. Ils sont littéralement indispensables pour sauver nos vies et nos moyens de subsistance face à leurs slogans et à leurs intentions génocidaires non dissimulés.

8.2 Qu’en est-il de la « gauche » israélienne qui lutte contre l’extrême droite ?

Dans les cercles universitaires, culturels ou de lutte contre la désinformation, principalement occidentaux, un nouveau discours sioniste est en train d’émerger : « Aujourd’hui plus que jamais, le monde ne doit pas boycotter Israël, mais être solidaire de la gauche israélienne contre l’extrême droite croissante qui sape la démocratie et les libertés. » Bien entendu, il s’agit de défendre la démocratie et les libertés coloniales des colons qui ont toujours été systématiquement refusées aux autochtones palestiniens[. [31]

Une réponse efficace et traditionnelle à ce discours fallacieux est d’adhérer à l’épreuve de vérité éthique la plus forte du mouvement BDS, celle de la complicité :

  • L’organisation ou l’activité israélienne qui recherche la « solidarité » soutient-elle ou non les trois droits fondamentaux des Palestiniens en vertu du droit international ?
  • A-t-elle mis fin à toutes les formes de complicité avec l’apartheid israélien ?

Si la réponse à l’une ou l’autre de ces questions est négative, l’organisation ou l’activité est raciste et ne peut en aucun cas être qualifiée de « gauche » ou même de « libérale » selon les normes internationales. Loin de « combattre » le régime d’extrême droite, elle fait partie du système d’apartheid colonial, ne luttant que pour sauvegarder ses propres intérêts et privilèges étroits, sans remettre en question les fondements de l’oppression. Se tenir aux côtés de ces organisations et répondre à leurs appels à ne pas tenir compte de l’appel des autochtones palestiniens ne servira qu’à maintenir le régime d’oppression dans son ensemble.

La solidarité s’exerce avec ceux qui luttent réellement pour mettre fin aux systèmes et aux structures d’oppression, et non avec ceux qui veulent les rendre « plus agréables » pour certains, qui veulent rendre nos chaînes « plus confortables » plutôt que de nous aider à les briser, comme l’a dit un jour l’archevêque Desmond Tutu. Les colons blancs d’Afrique du Sud qui se battaient uniquement pour les droits étroits de leurs communautés spécifiques (l’égalité des droits des femmes blanches, par exemple) ou pour leurs privilèges, tout en faisant partie du système global de l’apartheid, méritaient-ils la solidarité du monde ?

Les véritables gauchistes juifs-israéliens, la gauche antisioniste et anticoloniale, qui sont nos partenaires dans la lutte, sont également attaqués non seulement par l’extrême droite israélienne, mais aussi par la soi-disant « gauche » dominante.

9. Conclusion

Rien n’empêche Israël, avec la montée de ses tendances fascistes démasquées, de perpétrer des massacres plus graves et un nettoyage ethnique en masse, si ce n’est sa crainte de boycotts et de sanctions internationales sérieuses. Les Palestiniens autochtones du monde entier appellent les personnes de conscience du monde entier à canaliser leur indignation morale pour exercer une pression plus efficace sur le BDS afin d’arrêter les incendies de leur oppression coloniale et violente – notre Nakba en cours.

Dans de nombreux pays, les gouvernements, les entreprises et les institutions sont profondément complices du régime israélien d’occupation militaire, de colonialisme de peuplement et d’apartheid qui dure depuis des décennies, tout comme ils l’étaient avec le régime d’apartheid en Afrique du Sud. Israël ne peut maintenir ce régime d’oppression qu’avec la complicité internationale.

Voici les 5 choses les plus efficaces que vous pouvez faire pour remettre en cause cette complicité et soutenir la lutte des Palestiniens pour la liberté, la justice et l’égalité :

  • 1- Travaillez avec des réseaux progressistes pour faire pression sur les parlements et les gouvernements, y compris les gouvernements locaux/conseils municipaux pour (a) mettre fin à toute coopération militaire et sécuritaire et au commerce (financement militaire dans le cas des États-Unis) avec l’Israël de l’apartheid et les régimes d’oppression criminels similaires dans le monde entier, (b) interdire (ou exclure des marchés publics) tous les biens/services des entreprises opérant dans les colonies coloniales illégales d’Israël et les violations graves des droits de l’homme partout dans le monde, et (c) promouvoir l’action de l’ONU pour enquêter sur l’apartheid israélien et le démanteler, comme cela a été fait avec le régime d’apartheid d’Afrique du Sud.
  • 2- Mobiliser des campagnes de pression institutionnelle (y compris des boycotts ou des désinvestissements) contre les entreprises et les banques israéliennes et internationales qui sont complices des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par Israël. Cela inclut toutes les banques israéliennes (Leumi, Hapoalim, etc.) et les grandes multinationales telles que : Elbit Systems, Google, Amazon, HP et HPE, CAT, JCB, Volvo, Hyundai Heavy Industries, Chevron, Siemens, CAF, G4S/AlliedUniversal, AXA, PUMA, Carrefour, Booking.com, Airbnb, Sabra, Barclays, Expedia, l’armée israélienne et les sociétés de logiciels espions, etc.
  • 3- Mobilisez votre communauté, votre syndicat, votre association, votre église, votre réseau social, votre gouvernement/syndicat étudiant, votre conseil municipal, votre centre culturel ou toute autre organisation pour qu’elle se déclare Zone Libre d’Apartheid (AFZ), ou qu’elle mette fin à toutes ses relations avec l’Israël de l’apartheid et les entreprises/institutions qui sont complices de graves violations des droits de l’homme dans le monde entier.
  • 4- Initier/soutenir des boycotts de tous les engagements académiques, culturels, sportifs et touristiques ayant lieu dans ou sponsorisés par l’Israël de l’apartheid, ses groupes de pression, ou ses institutions complices.
  • 5- Rejoignez une campagne BDS ou un groupe stratégique de solidarité avec la Palestine près de chez vous pour agir collectivement et efficacement.

Canalisez votre colère et mobilisez la pression BDS pour démanteler le colonialisme, l’apartheid et toutes les formes de racisme et d’oppression.

Notes :

[1] Le rapport publié en novembre 2022 par Al-Haq, la principale organisation palestinienne de défense des droits de l’homme, constitue une excellente ressource sur l’apartheid en tant qu’instrument du régime colonialiste israélien depuis 1948. Un document de référence historique est l’appel de janvier 2023 à un front mondial pour démanteler le régime israélien de colonialisme et d’apartheid, rédigé par le département anti-apartheid de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), en partenariat avec le mouvement BDS, le réseau des ONG palestiniennes (PNGO), le ministère palestinien de la justice et le Conseil des organisations palestiniennes des droits de l’homme (PHROC), avec la participation d’experts juridiques, de journalistes, d’activistes politiques, d’universitaires et d’autres sympathisants. Même le comité éditorial du Haaretz déclare aujourd’hui que le gouvernement israélien fait progresser un « apartheid à part entière » dans les territoires palestiniens occupés.

[2] Comme l’écrit Hagai El-Ad de B’Tselem, « le débat actuel en Israël ne porte pas sur l’oppression réelle des Palestiniens – qui fait l’objet d’un large consensus – mais sur la manière dont leurs droits doivent être bafoués et sur l’étendue de cette oppression ».

[3] Primo Levi, éminent expert juif-italien du fascisme, a écrit que le fascisme était « très loin d’être mort. Il était seulement caché… gardant le silence, pour réapparaître plus tard sous une nouvelle forme, un peu moins reconnaissable, un peu plus respectable ». Le terme « fascisme » n’a jamais été utilisé aussi largement dans les médias hégémoniques occidentaux et israéliens qu’au cours des derniers mois pour décrire les principales tendances du nouveau gouvernement israélien, l’accent étant mis presque exclusivement sur les Israéliens juifs, perçus comme les victimes de ces tendances. Voir, par exemple, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici et ici. Plus que toute autre chose, cette situation risque d’anéantir l’image de propagande soigneusement et très efficacement projetée par Israël, à savoir qu’il est « la seule démocratie du Moyen-Orient ».

[4] Dans un précédent, un ministre de haut rang a récemment déclaré : « Je suis un homophobe fasciste ». Quoi qu’il en soit, s’il est important de mettre en lumière cette tendance fasciste, en particulier en Occident, qualifier l’ensemble du gouvernement de fasciste est – jusqu’à présent – inexact et risque d’aliéner inutilement des alliés potentiels.

[5] Le ministre israélien de la propagande (hasbara), par exemple, en essayant de justifier les crimes de guerre israéliens, se réfère aux Palestiniens comme à des « meurtriers ayant subi un lavage de cerveau et programmés pour rechercher le sang juif depuis l’âge zéro ».

[6] Le rabbin Meir Kahane a répété de façon célèbre, lors de ses rassemblements populaires en Israël, en particulier dans les villes mixtes palestino-juives, que s’il n’y a qu’un seul Kahane qui s’exprime, il y a un million de Kahane qui se taisent. Aujourd’hui, plus d’un million de Kahane, électeurs des partis fascistes, s’enhardissent à défendre ouvertement leurs projets génocidaires, tandis que des millions d’autres Kahane restent silencieux. Selon l’enquête la plus fiable sur l’opinion des Israéliens juifs, 62 % d’entre eux se définissent comme étant de « droite », ce qui équivaut à l’extrême droite selon les normes internationales ; près de 50 % pensent que « les citoyens juifs d’Israël devraient avoir plus de droits que les citoyens non juifs »; 43 % préfèrent qu’Israël soit plus juif que démocratique ; 66 % pensent que les organisations de défense des droits de l’homme causent des dommages à l’État ; et l’institution en laquelle ils ont le plus confiance est l’armée israélienne (88 % de confiance en moyenne).

[7] Ironiquement, Meir Kahane avait l’habitude de qualifier de « fascistes » ses opposants juifs « de gauche » qui tentaient de l’annuler. Lors d’une présentation aux États-Unis en 1984, par exemple, il a pointé du doigt ses opposants juifs en criant : « Ne me parlez pas, vous les gauchistes, de l’amour des juifs. Je sais ce que vous êtes ! Des fascistes ? Ce sont eux les fascistes ! »

[8] En 2017, le comité central du Likoud a voté à une écrasante majorité en faveur de l’annexion complète des TPO.

[9] Traduction en anglais du tweet de Netanyahu : « Le peuple juif a un droit exclusif et incontestable sur toutes les régions de la Terre d’Israël. Le gouvernement encouragera et développera la colonisation dans toutes les parties de la Terre d’Israël – en Galilée, dans le Néguev, dans le Golan, en Judée et en Samarie ».

[10] Le journaliste israélien Meron Rapoport écrit : « Comme d’autres colonies de peuplement, telles que les États-Unis, le Canada et l’Afrique du Sud, le sionisme s’est vanté d’avoir établi une « société modèle » en Palestine – pour les colons, bien sûr, et non pour la population autochtone. L’une des manifestations de cette « société modèle était la démocratie interne que le mouvement sioniste avait instaurée entre le fleuve et la mer ». La sociologue israélienne Eva Illouz écrit : « Comme beaucoup d’autres exemples de nationalisme de colonisation, l’histoire du sionisme est une chronique de la force nécessaire pour vaincre une population indigène. L’histoire du sionisme est aussi l’histoire de la mythologisation de cette force ».

[11] Yossi Klein écrit par exemple dans Haaretz : « Pendant 75 ans, le fascisme a été enseigné dans les écoles sans être nommé. ‘Amour de la patrie’, ‘colonie’, ‘extrême droite’. Ils nous ont appris que nous étions meilleurs que le monde entier, mais aussi ses victimes. Grâce au lien entre l’apitoiement et l’arrogance, nous avons fait ce que la démocratie rejette et que le fascisme accepte. Chaque ministre de l’éducation a contribué à l’avancement du fascisme. Chaque programme d’études l’a renforcé. Ils l’ont dilué avec des ingrédients destinés à en obscurcir l’essence ; ‘notre droit à la terre’ nous a donné le droit d’expulser les réfugiés et de tourmenter les occupés. Les parents se frottaient les yeux d’incrédulité : Ils se sont endormis avec de bons enfants et se sont réveillés avec des troupes de choc. S’ils veulent vraiment savoir d’où leurs enfants tirent ce mal, ils devraient aller à l’école et lire le programme, vérifier ce qu’ils apprennent et surtout ce qu’ils n’ont pas le droit d’apprendre ».

[12] Israel Frey écrit dans Haaretz : « C’est fini. Ce n’est plus notre État. Il a été occupé par des forces fascistes. Il est maintenant temps de penser comme des opposants au régime. Et les opposants au nouveau régime ne se battent pas pour la ‘santé mentale’ et le bon gouvernement. Ils représentent sans crainte le bloc de l’égalité totale, qui risque de saper les fondements de la suprématie juive ». Hagai El-Ad, de B’Tselem, critique la « nostalgie » malhonnête du camp anti-gouvernemental en déclarant : « Israël n’a pas seulement occupé les territoires, il a mis en œuvre ‘là-bas’ les pratiques qu’il avait mises en œuvre ‘ici’ à partir de 1948. Ces pratiques comprennent l’imposition d’un gouvernement militaire et la promotion de la ‘colonisation juive’ – une prise de contrôle juive des terres palestiniennes et une réorganisation du pouvoir politique, de la géographie et de la démographie. Tout a commencé ‘ici’ et, depuis 1967, tout a été mis en œuvre ‘là-bas’ – la même idéologie, la même politique ».

[13] Comme Kohelet Policy Forum, le groupe de réflexion le plus influent d’Israël qui guide les « réformes » de la coalition actuelle, le dit à plusieurs reprises en défendant cette diminution du pouvoir des tribunaux, Israël est le seul État de l’OCDE dans lequel les hommes politiques ne choisissent pas les juges, et où les juges de la Cour suprême ont le pouvoir d’abroger les lois adoptées par les hommes politiques.

[14] Les investissements dans des dictatures comme les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ne semblent pas être affectés par l’absence totale de freins et contrepoids démocratiques. Ce qui est omis dans les discussions sur la volatilité particulière de l’économie d’Israël, malgré sa puissance incontestable – principalement un facteur de complicité coloniale occidentale et d’engagement idéologique, et pas simplement « d’innovation » – est l’impact de la résistance palestinienne et de la solidarité internationale (en particulier BDS) sur elle. Le bond économique d’Israël, après tout, est le résultat direct des accords d’Oslo avec l’OLP et des dizaines de marchés qui ont été ouverts aux produits et services israéliens en conséquence. Au cours des première et deuxième intifadas palestiniennes, Israël a connu sa fuite la plus grave de capitaux et de talents vers l’Amérique du Nord et l’Europe. Suite au massacre d’Israël en 2014 à Gaza et au saut qualitatif de l’activisme BDS qui a suivi, l’économie israélienne a été durement touchée, et les principaux groupes de réflexion financiers, comme Rand Corporation, et les agences de notation de crédit ont reconnu l’impact du BDS sur elle.

[15] En 2012, par exemple, le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à un logement convenable a décrit la « stratégie de judaïsation » d’Israël comme visant à contrôler les terres palestiniennes en disant : « Dans des contextes juridiques et géographiques très différents, de la Galilée et du Néguev à Jérusalem-Est et à la Cisjordanie, les autorités israéliennes promeuvent un modèle de développement territorial qui exclut, discrimine et déplace les minorités, affectant particulièrement les communautés palestiniennes.

[16] Dans son rapport révolutionnaire sur l’apartheid en tant qu’outil du colonialisme israélien depuis 1948, Al-Haq déclare : « En mai 1948, la Déclaration de création de l’État d’Israël annonçait un État juif. Bien qu’elle garantisse le droit à « l’égalité des droits sociaux et politiques pour tous ses habitants », cela n’a pas été pleinement appliqué par la législation, et le droit n’a pas été garanti dans les lois fondamentales, qui font office de documents constitutionnels en l’absence d’une constitution écrite. Dans toutes les lois fondamentales, les dispositions juridiques sur l’égalité sont subordonnées à celles qui privilégient les Israéliens juifs et établissent l’État d’Israël comme juif. La Haute Cour a toujours rejeté les demandes de reconnaissance d’une nationalité civique israélienne qui offrirait des garanties d’égalité entre tous les citoyens car cela « mettrait en danger le principe fondateur d’Israël : être un État juif pour le peuple juif » ; il a refusé d’autoriser la discussion de la pleine égalité des droits et du projet de loi sur « l’Etat de tous ses citoyens » à la Knesset ; il a rejeté les appels contre le pouvoir massif du FNJ raciste dans la gestion de l’Autorité foncière d’Israël ; etc.

[17] Les enfants ultra-orthodoxes (Haredi) représentent un quart de tous les enfants juifs du système scolaire israélien et 40 % de tous ses élèves juifs de première année. La majorité des élèves ultra-orthodoxes – 74 % – étudient dans des écoles non officielles mais reconnues, qui sont censées suivre la majorité du programme de base laïc (bien que la plupart ne le fassent pas) en échange d’un financement à 75 % ; 22,5 % supplémentaires étudient dans des écoles « exemptées » qui enseignent une plus petite partie du programme de base et reçoivent un financement public proportionnel, tandis que seulement 3,5 % apprennent dans des écoles Haredi entièrement gérées par l’État qui enseignent le programme de base complet. Seule la moitié des hommes israéliens ultra- orthodoxes travaillent. L’establishment sioniste israélien, plus laïc, exprime de fortes inquiétudes quant au fait que, avec la promesse de ce gouvernement d’augmenter le financement pour l’étude de la Torah, l’incitation pour les ultra-orthodoxes à poursuivre une éducation laïque ou à travailler diminuera considérablement. Cet établissement ashkénaze israélien laïc, obsédé par la démographie, est profondément préoccupé par son taux de fécondité beaucoup plus élevé (le double de la moyenne israélienne), son aspiration incessante à se séparer de la société israélienne, et non à s’y intégrer, et considérant que son éducation religieuse laisse la plupart d’entre eux mal équipés pour assumer un rôle fonctionnel dans l’économie moderne d’Israël, la menace pour l’avenir d’Israël en tant qu’économie forte se profile plus que jamais. La grande majorité des diplômés ultra-orthodoxes du secondaire ne remplissent pas les conditions minimales d’admission à l’université. Le professeur Yedidia Stern, présidente de l’influent Jewish People Policy Institute, commente : « Quand les Haredim étaient un petit groupe, ça allait. Maintenant c’est impossible. Permettre que cela continue malgré le grand nombre de Haredim signifie que le pays ne pourra pas fonctionner. »

[18] Alors que la misogynie, le patriarcat structurel et la discrimination et la violence fondées sur le sexe ont toujours existé dans la société coloniale hypermilitarisée d’Israël, le nouveau gouvernement tente d’imposer davantage de lois orthodoxes/religieuses dans la sphère publique de manière à saper davantage les droits des femmes. En tant qu’ « État juif » autoproclamé, Israël n’a jamais eu de véritable séparation entre « l’Église » et l’État, et l’establishment religieux a toujours joué un rôle essentiel dans la suppression des droits des femmes.

[19] Voir, par exemple, le livre écrit par Israel Shahak et Norton Mezvinsky, Jewish Fundamentalism in Israel.

[20] Reconnaissant ces Israéliens anticolonialistes comme des partenaires potentiels dans la lutte de libération, l’appel historique BDS de 2005, approuvé par les partis politiques palestiniens ainsi que par le plus large échantillon représentatif de Palestiniens en Palestine historique et en exil, dit explicitement : « Nous invitons aussi les Israéliens de conscience à soutenir cet appel, au nom de la justice et d’une paix véritable. »

[21] En fait, c’est le Parti travailliste israélien, qui a dirigé l’occupation de 1967, qui a initié l’effacement littéral de la « Ligne verte » des cartes et plus tard sur le terrain dans une décision officielle du gouvernement en 1967. Lorsque le Likud dirigé par Netanyahu est revenu au pouvoir en 2009, il s’est simplement engagé dans une politique de « ré-effacement » de cette ligne, en élargissant les colonies en Cisjordanie et en les légitimant en interne parmi les Israéliens juifs ainsi que sur la scène internationale. De leur côté, les Palestiniens autochtones, à travers leur résistance, ont également effacé cette ligne, unissant deux principales circonscriptions du peuple palestinien (67 et 48) dans une lutte de libération commune avec des manifestations et des contextes divers.

[22] L’ancien ministre du Parti travailliste Nachman Shai écrit : « Israël pourrait découvrir que les relations bilatérales sont coutumières dans ce monde. Ceux qui recherchent le soutien des Juifs de la diaspora dans la lutte contre le BDS, dans la lutte contre l’antisémitisme ou Dieu nous en préserve [contre] la baisse de la cote de crédit d’Israël, découvriront que [les juifs de la diaspora] ne sont pas là. Ils n’ont pas à y être. Maintenant, ils le font par amour, par appréciation, par leur p en compte non plus. Le mouvement réformiste, qui compte environ 2 millions d’adeptes aux États-Unis, a qualifié le projet de loi de « voyou » et de « honte absolue », affirmant que le mur Occidental « ne peut pas être géré comme s’il s’agissait d’une synagogue Haredi ». Les juifs réformés et conservateurs constituent environ 60% des juifs américains, alors que les orthodoxes ne représentent que 10%.

[23] Sans aucune ironie, l’ancien Premier ministre israélien Yair Lapid a réagi au projet de loi qui se dessine en disant : « Si cette législation est adoptée, Israël ne sera plus un pays libre. Plutôt qu’un symbole d’unité, le Mur occidental deviendra un symbole de l’oppression des femmes, de la discrimination contre les personnes laïques et du démantèlement de notre alliance avec la communauté juive mondiale. »

[24] Les principaux groupes de pression fondamentalistes chrétiens sionistes israéliens aux États-Unis ont interprété Armageddon comme le retour du Christ pour sauver de la damnation éternelle uniquement ceux qui croient en lui. Ceux qui ne le font pas, qui refusent de se convertir au christianisme, seraient tous « anéantis et envoyés en enfer », car il n’y a pas de salut pour eux. Les sionistes chrétiens ont toujours normalisé le colonialisme des colons sionistes en Palestine et le nettoyage ethnique de la Nakba de 1948 et de la Nakba en cours, comme catalyseur du retour du Messie. Gershom Gorenberg, l’auteur israélo-américain de « End of Days », un livre largement référencé sur les sionistes chrétiens, déclare : « Les juifs meurent ou se convertissent. … [Les sionistes chrétiens] n’aiment pas le vrai peuple juif. Ils nous aiment en tant que personnages de leur histoire, de leur pièce, … et nous n’avons jamais auditionné pour ce rôle, et la pièce n’est pas celle qui finit bien pour nous. Si vous écoutez le drame qu’ils décrivent, c’est essentiellement une pièce en cinq actes dans laquelle les juifs disparaissent au quatrième acte. »

[25] Depuis 2013, de hauts responsables israéliens tirent la sonnette d’alarme quant à l’impact croissant du BDS, y compris sur le plan économique. En 2013, par exemple, Tzipi Livni, alors ministre de la justice, a averti que les boycotts financiers et économiques internationaux avaient commencé avec les colonies dans le TPO, mais qu’avec le temps, ils atteindraient le reste du pays, déclarant : « Le boycott se déplace et progresse de manière uniforme et exponentielle. Ceux qui ne veulent pas le voir finiront par le ressentir ».

[26] Le 14 février 2023, le mouvement BDS a affiché des indicateurs de l’instabilité économique israélienne et de la fuite des capitaux, ridiculisant l’autodescription d’Israël en tant que « Start-Up Nation » en inventant le slogan/hashtag, #ShutDownNation. Depuis, des manifestants israéliens à Tel-Aviv le 25 février se sont appropriés le slogan dans une grande banderole, suivis par un chroniqueur du Financial Times qui l’a utilisé dans le titre de sa chronique le 2 mars.

[27] Les rapports annuels de l’OCDE sur l’économie israélienne sont considérés comme les plus fiables et sont utilisés par les institutions financières internationales et les agences de notation. Ils ont également un impact considérable sur les investisseurs étrangers qui envisagent de faire des affaires en Israël.

[28] Les protestations du secteur israélien de la haute technologie contre l’actuel gouvernement d’extrême droite doivent être comprises dans le contexte du besoin essentiel du secteur pour le masque de la « démocratie libérale » que ce gouvernement est en train de déchirer. Comme le dit Shir Hever, un expert de l’industrie militaire israélienne, « les employés israéliens du secteur de la haute technologie n’attendent pas du gouvernement qu’il mette fin à l’apartheid et aux autres violations quotidiennes du droit international. Ils attendent du gouvernement qu’il maintienne le masque, qu’il fasse semblant d’être une démocratie libérale et qu’il ait des occasions de se faire photographier avec les dirigeants du monde occidental. C’est ce que le nouveau gouvernement d’extrême droite refuse de faire ». Le secteur israélien de la haute technologie a prospéré en raison de ses liens avec l’establishment sécuritaire et militaire israélien et en proportion directe des attaques sanglantes contre les Palestiniens sous occupation, en particulier à Gaza. Le TPO est le « terrain » où les technologies militaires et de « sécurité » d’Israël ont été « testées sur le terrain » et exportées dans le monde entier.

[29] Pour illustrer l’effet de cette situation sur le moral et la motivation des réservistes militaires, le docteur Yuval Horwitz, lieutenant-colonel dans l’armée de réserve (avec 20 ans de service) et directeur de la clinique de néphrologie à l’hôpital Ichilov de Tel Aviv, a déclaré : « Nous, les opposants à l’occupation, avons servi pendant des dizaines d’années sous des gouvernements de droite. Sur leur ordre, nous avons fait des choses qui ne sont explicitement pas légales. Des ambulances ont été utilisées pour effectuer des patrouilles, maintenir des barrages routiers. Nous avons enlevé le symbole de l’ambulance pour qu’elle ne soit pas identifiable, mais nous savions très bien ce que nous faisions. Nous n’avons pas objecté, nous n’avons pas refusé d’obéir aux ordres, car nous savions qu’il s’agissait d’un pays démocratique. Et s’il décidait d’envoyer des colons dans une certaine région, il était de notre devoir de garantir leur sécurité. Mais ce n’est plus le cas. Après tout, il y aura toujours une guerre, parce que c’est ainsi que les choses se passent dans l’État d’Israël. Et lors de la prochaine guerre, j’aurai de nombreux doutes sur les motivations qui la sous-tendent ». [souligné par l’auteur].
Un commandant de bataillon qui a servi pendant 10 ans dans les réserves a déclaré : « Maintenant, c’est notre guerre. C’est la guerre la plus difficile qu’il y ait jamais eu ici, d’ailleurs, parce que l’ennemi vient de l’intérieur. C’est la guerre la plus compliquée depuis la création de l’État ».
Le docteur Yishay Szekely, cardiologue à Ichilov et lieutenant-colonel en service actif dans l’armée de réserve, a tweeté : « Je n’effectuerai pas mon service de réserve dans un pays gouverné par une autorité unique et individuelle. Je ne me présenterai pas pour servir dans une dictature ». Il a ajouté : « La question ‘Pourquoi ne vous êtes-vous souvenu que maintenant, après 20 ans dans l’armée d’occupation ?’ est une question légitime et stimulante. La réponse est que jusqu’à aujourd’hui au moins, vous pouviez vous dire que toutes ces décisions, même lorsqu’elles étaient controversées et qu’elles incluaient un mélange de combat contre l’ennemi à l’intérieur d’un territoire civil, avec tout ce que cela implique, avaient été prises dans le cadre des règles du jeu d’un pays démocratique. Vous n’étiez peut-être pas d’accord avec elles, ou vous les trouviez immorales, mais elles ont été prises dans le cadre d’un conflit de plusieurs années entre deux camps, dont l’un se comportait comme une démocratie. Tel était le contrat. Et dès lors que l’une des parties au contrat le viole de manière aussi grossière, il s’annule automatiquement. Il n’est pas raisonnable de le maintenir, il n’est pas moral de le maintenir ».

[30] Avec une mentalité coloniale israélienne typique, ces spécialistes des logiciels espions ne se soucient pas du fait que l’essence même de leur technologie de guerre cybernétique est une menace pour le monde, testée sur la population palestinienne captive sous occupation, et exportée vers les dictatures et les régimes les plus répressifs du monde pour permettre davantage de répression, de meurtres, de pillage et d’agonie.

[31] La soi-disant « gauche » sioniste en Israël a pratiquement disparu de l’échiquier politique, où la principale opposition ne porte plus la bannière de la « gauche », même de manière rhétorique, tant la majorité coloniale israélienne s’est déplacée vers la droite au cours des dernières décennies.

11 mars 2023 – MondoWeiss – Traduction : ISM France, Chronique de Palestine – MR, Lotfallah

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