Partager la publication "Pas d’enfantisme sans Gaza : croiser les perspectives sur l’enfance"
Cahty Malherbe, 11 novembre 2025.- Depuis quelques mois, « c’est parti », nous entendons de temps en temps le mot « adultisme » ou l’expression « domination adulte » dans une interview ou une conversation, nous les lisons dans un article ou un livre. L’oppression sur les plus jeunes sort de son invisibilité, la recherche des causes des violences sexuelles, et le travail de la CIIVISE y est pour une bonne part, aussi la médiatisation des violences physiques, psychologiques et sexuelles subies dans des pensionnats catholiques comme Bétharram.
S’y ajoutent depuis deux ans la massivité des morts d’enfants à Gaza, sous nos yeux, et la question du deux poids deux mesures : pourquoi le massacre des enfants de Palestine nous touche-t-il différemment, certain·es beaucoup et d’autres moins ou pas du tout ? Comme si les corps des enfants échoués sur la côte nord-ouest de la Méditerranée depuis des années, arrivés noyés jusqu’à nous, nous interpellaient sur notre véritable éthique. Et même celles et ceux qui arrivent en vie, au cœur de Paris, les MNA, les « mineur·es » non accompagné.es, les entendons-nous ??
Bien sûr beaucoup de questions se posent sur le fait que nous avons aussi de la peine à entendre celles et ceux « de chez nous », par exemple les jeunes personnes sous contrôle de l’ASE et de la PJJ, en foyer, en famille d’accueil, maltraité·es, en déficit d’humanité, qui « finissent » suicidé·es dans un hôtel ou sans domicile fixe dans la rue.
Et les jeunes personnes dites « des quartiers », de « chez nous » mais pas vraiment… celles dont les corps plient sous les railleries des contrôles au faciès, sous les coups de matraque, sous les coups de pare-choc d’une voiture de police ou les coups de feu d’un agent bien intentionné. Ces jeunes personnes-là, que nous avons aussi tant de mal à entendre, font un peu le lien avec le premier et le deuxième groupe, celles et ceux au loin, à Gaza, à Madagascar, au Soudan, au Congo… en Guyane…, et celles et ceux tout près de nous dans le périmètre de l’Hexagone.
– Le premier texte, de Caroline Bouxaguet Carossino, Pas d’enfantisme sans Gaza, nous parle d’un enfantisme qui entend les jeunes personnes au loin, il parle du fait que cet enfantisme prend en compte TOUS les enfants, sans exception, et ici en particulier les enfants de Gaza qui subissent le colonialisme, l’impérialisme, le racisme (l’islamophobie) et l’adultisme des États occidentaux, comme de très nombreux enfants dans le monde. Ce texte parle de se démarquer radicalement d’un enfantisme blanc qui ne voit les jeunes êtres humains que sous la perspective de la minorité, de l’incomplétude, de la vulnérabilité, de l’incapacité, par exemple.
Car il y a un enfantisme blanc comme il y a un féminisme blanc, qui pense les femmes uniquement selon le modèle et la norme occidentale, dite universaliste ou progressiste, a contrario d’un féminisme décolonial.
– Le deuxième texte, de Yasmin El-RifaSavoir ce qu’ils savent : de la mauvaise appréhension des enfants palestiniense, Savoir ce qu’ils savent : de la mauvaise appréhension des enfants palestiniens, nous parle de la question de l’innocence. Les enfants palestiniens, et globalement dans les Suds, sont très tôt conscients de l’oppression que leurs peuples subissent. Iels ne sont pas innocents au sens où « les enfants ne se mêlent pas de politique ». Ce qualificatif de l’innocence de l’enfance est particulièrement pervers, puisque en Occident, à tout le moins en France, les jeunes personnes ne sont pas considérées comme une catégorie politique à part entière, ce qui permet que ce soit la classe sociale la plus violentée, avec de faux droits puisqu’iels ne peuvent les exercer par eux-mêmes.
Ce n’est pas la même chose dans les Suds en général, les jeunes personnes ne sont pas séparées des plus âgées et c’est exactement pour cette raison qu’elles sont tuables. En Palestine, l’oppresseur sioniste sait que les jeunes personnes palestiniennes vont perpétuer la lutte pour la libération de leur peuple.
Et finalement, dans les deux cas, les plus jeunes sont violentables. Pour l’Occident, concernant ses propres enfants, il nie la violence exercée (nos enfants nous appartiennent et ils sont innocents, on fait ce qu’on veut) et parallèlement, et c’est cela le double standard, les enfants palestiniens ne sont pas vraiment des enfants, ce sont des résistant·es dès leur naissance et même avant dans le ventre de leurs mères, donc leur vie est sans valeur, on peut les exterminer.
Bien sûr l’autrice ne parle pas de la violence exercée contre les jeunes personnes en Occident, c’est à nous de le faire. Mais surtout de montrer ce double standard qui rappelle un chapitre du livre de Houria Bouteldja Beaufs et Barbares, « Les Blancs aiment-ils les enfants ? » Elle répond : « Les Blancs aiment LEURS enfants » (et nous savons que même pas, les Blancs font semblant d’aimer leurs enfants).
– Le troisième texte, de Juliette Bonnet, Infantilisation ou adultification des mineurs ? Antiracisme et féminisme : croiser les perspectives sur l’enfance, fait des liens entre féminisme, racisme et adultisme. Le patriarcat est-il vraiment la cause unique de la domination adulte, comme l’avancent le plus souvent les féminismes ? L’autrice propose d’élargir la question à la désenfantisation et au racisme que subissent les Noir·es et les Arabes, aussi lorsqu’iels sont des enfants. Plus théorique, cet article évoque différents courants de l’enfantisme et de la lutte contre la domination adulte.
Source : Observatoire de la violence éducative ordinaire
L’auteure : Cahty Malherbe est membre de Free Palestine Guyane et de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire OVEO.
