Les Palestiniens se battent avec leur téléphone

Aya Youssef, 23 mars 2022. « Tu voles ma maison ! » hurle la femme palestinienne qui fait face au colon israélien illégal dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Al-Quds occupée.  « Si je ne la vole pas, quelqu’un d’autre va la voler », a répondu le colon sans hésiter. 

Commentez, retweetez, partagez, aimez, repostez et téléchargez. Le résultat ?

La Palestine est devenue virale. 

https://twitter.com/4amramr/status/1393873395578769411?s=20&t=AB36P5pZ1NW2C9HuqGya0Q

Partir de l’intérieur

Des images vidéo brutes des forces d’occupation israéliennes prenant d’assaut la mosquée Al-Aqsa pendant le ramadan en 2021 ont commencé à circuler sdans tous les réseaux sociaux. Les vidéos montraient des soldats israéliens faisant irruption au milieu de foules hurlantes, lançant des grenades et tirant des balles en caoutchouc. 

Des États européens, des législateurs américains et des personnalités de premier plan ont commencé à condamner ces actes brutaux sur leurs comptes de réseaux sociaux, et il n’a pas fallu des mois pour que ces images deviennent virales ; il a suffi de quelques secondes.

La brutalité israélienne est devenue virale. 

La maison de la famille Salhiyya

Mahmoud Salhiyya s’est dressé contre les forces israéliennes et a menacé de s’immoler par le feu en dernier recours pour les empêcher de prendre sa maison et celle de sa sœur. Les militants palestiniens tenaient leurs téléphones et diffusaient en direct, prenaient des photos et les publiaient en un clic.

À l’aube, les forces d’occupation israéliennes ont détruit au bulldozer la maison de la famille Salhiyya, mais les Palestiniens étaient bien éveillés pour diffuser en direct, hashtaguer, prendre des photos et tweeter.

Les autorités d’occupation israéliennes ont tout essayé pour déraciner les habitants de Sheikh Jarrah, depuis l’envoi d’ordres d’expulsion aléatoires et illégaux ordonnés par les tribunaux jusqu’à l’autorisation donnée aux colons d’attaquer les Palestiniens vivant dans le quartier. 

Mais devinez quoi ? Les crimes israéliens sont devenus viraux, eux aussi. 

 

Sauvez Al-Naqab

Les forces d’occupation israéliennes ont arrêté une jeune Palestinienne de 12 ans, Julian Al-Atrash. Alors qu’elle était traînée et menottée, elle n’a pas hésité à sourire.

Ce sourire a fait le tour des plateformes de médias sociaux. Des militants pro-palestiniens ont commencé à dessiner, illustrer et poster le moment où cette fille a souri.

 

Les forces d’occupation ont commencé à prendre d’assaut les villages d’Al-Naqab pour les raser, dans le cadre d’un plan dirigé par le « Fonds national juif » pour confisquer les terres palestiniennes.

Il y a plus de 30 villages à Al-Naqab, qualifiés de villages « non reconnus » par le gouvernement d’occupation israélien. Il n’y a donc aucun moyen de transport, aucune route et aucune école dans la région. 

Malgré tout cela, pendant l’assaut israélien, Al-Naqab était plus que jamais reconnu en ligne, les gens retweetant et partageant « #SaveNaqab ».

L’écoblanchiment des crimes israéliens est devenu viral.

La Palestine devient virale depuis l’extérieur

Les réfugiés palestiniens qui ont été déplacés de force de leurs terres sont confrontés chaque jour à l’occupation israélienne. Ils ont mené leurs propres batailles.

Le cas de Shahd Abusalma

Shahd est une réfugiée palestinienne et maître de conférences ; elle vit au Royaume-Uni. L’université de Sheffield Hallam a suspendu ses fonctions d’enseignante en raison d’allégations antisémites et a décidé d’enquêter sur elle. Shahd n’a fait que retweeter, liker et commenter des vidéos montrant la brutalité de l’occupation israélienne.

Des campagnes de solidarité ont commencé à devenir virales, des sites web ont commencé à écrire sur le cas de Shahd, et « #InSupportOfShahd » a commencé à circuler sur tout Twitter. 

Comment tout cela a-t-il commencé ? Dès que Shahd a annoncé qu’elle faisait l’objet de ces campagnes sur son compte Twitter, les retweets sont montés en flèche. 

L’université a restreint les fonctions d’enseignement de Shahd sans pour autant abandonner les enquêtes concernant son cas. Shahd ne s’est pas arrêtée là, car devinez quoi ? 

L’affaire de Shahd est devenue virale.

Shahd a tenu ses soutiens informés tout au long de son aventure.

Quelques jours plus tard, l’université a abandonné toutes les enquêtes menées à l’encontre de Shahd et lui a proposé un contrat plus sûr qui lui confère le statut de salariée.

Le cas de Rasmy Hassouna

Un citoyen américain d’origine palestinienne qui était sur le point de renouveler son contrat avec le gouvernement avant de remarquer une clause légale qui lui interdit, ainsi qu’à sa société A&R Engineering and Testing, Inc, de ne jamais protester contre « Israël » et ses produits.

Rasmy a intenté un procès contre la loi de l’État du Texas, qui interdit aux fournisseurs du gouvernement de boycotter l’occupation israélienne, et a obtenu gain de cause.

Le juge du tribunal de district américain a empêché le Texas d’imposer sa loi anti-boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) à Hassouna parce que le boycott, quel qu’il soit, est protégé par le premier amendement, qui est le droit de participer à des boycotts économiques en tant que forme de protestation.

« C’est génial, n’est-ce pas ? », a déclaré Rasmy à Al Mayadeen English en apprenant la nouvelle.

Plus déterminé que jamais, Rasmy a déclaré : « Défendez vos droits, en tant qu’expatriés, je crois que nous pouvons faire beaucoup pour la Palestine. »

Sa victoire a fait le tour des sites internet et des plateformes de médias sociaux. 

Et devinez quoi ? La victoire de Rasmy est devenue virale.

Ne laissez pas les géants de la technologie vous tromper : L’exemple de Mona et Mohammed Al-Kurd

Les jumeaux palestiniens de 23 ans n’avaient rien d’autre que leur téléphone pour défendre leur terre. Ils croyaient que personne ne se soucierait de voir des colons israéliens prendre d’assaut leur maison ou agresser brutalement de jeunes Palestiniens. Ils ne savaient pas que des gens pouvaient se sentir concernés par un quartier de la Palestine occupée. 

Avec chaque vidéo ou live-streaming posté, le nombre de leurs soutiens a grandi de jour en jour, les gens ont commencé à s’inscire sur leurs comptes pour avoir des nouvelles ou des mises à jour au sujet du quartier de Sheikh Jarrah.

Et maintenant ? Muna Al Kurd a plus de 1,5 million de ‘followers’ sur Instagram tandis que son frère, Mohammad al Kurd, a +7K followers sur la plateforme. 

« Instagram m’empêche de passer en direct ! »

Mona Al-Kurd était l’une des nombreuses personnes à diffuser en direct les événements en cours à Sheikh Jarrah lorsque son streaming s’est soudainement interrompu. Al Kurd a expliqué que sa fonction de diffusion en direct a été bloquée alors qu’elle documentait le moment où la maison familiale d’Al Salhiyya a été démolie.

Cette situation a mis en évidence la complicité et la censure d’Instagram à l’égard des informations palestiniennes.

La censure des informations palestiniennes n’est pas nouvelle pour certains géants de la technologie. Vers la fin de l’année dernière, des militants et des journalistes ont lancé une campagne contre les politiques de Meta, qui ciblent le récit palestinien. 

Il est important de ne pas oublier le rapport de Human Rights Watch qui a mis en lumière la politique de Facebook, et la façon dont le géant de la technologie a retiré et supprimé à tort les messages des Palestiniens et de leurs partisans, y compris ceux qui concernaient les violations des droits de l’homme commises par « Israël » contre les Palestiniens au cours de son agression de 11 jours sur Gaza en 2021.

La bataille de la censure à laquelle les Palestiniens sont confrontés est toujours en cours, allant du filtre utilisé par certains médias au blocage de comptes de réseaux sociaux et à la suppression de certains d’entre eux.

Mais malgré ce que les géants de la technologie pensent ou font avec le contenu pro-palestinien, #GazaUnderAttack s’est largement propagé, #SaveSheikhJarrah s’est largement propagé, et #SaveNaqab s’est largement propagé.

La Palestine n’est pas un « contenu nocif »

Depuis le début de l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, les activistes pro-palestiniens sur les plateformes de réseaux sociaux ont commencé à comparer la façon dont les géants de la technologie, en particulier Meta, gèrent la crise ukrainienne. 

Meta, qui censure chaque post, histoire ou même flux pro-palestinien, a autorisé les discours de haine et la violence contre Poutine et les Russes. Alors que Meta encourage la diffusion de fake news sur ses plateformes, elle n’a pas encouragé les Palestiniens à diffuser la vérité sur sa plateforme. 

Pourquoi, lorsqu’il s’agit des massacres les plus hideux perpétrés par Israël contre les Palestiniens, il s’agit d’une « cause controversée », alors que lorsqu’il s’agit d’un sujet comme la Russie, Meta essaie d’imposer de force les « nouvelles véridiques » à ses utilisateurs ?

En fait, les Palestiniens demandent depuis des décennies la même attention médiatique que celle dont bénéficie actuellement la crise ukrainienne, mais ils se heurtent à un silence total. 

Malgré les batailles que les Palestiniens traversent, que ce soit sur le terrain ou dans le monde virtuel, ils étaient et sont toujours capables d’écrire, de chanter, de prendre des photos et de poster, et cela suffit à rendre la Palestine virale à nouveau.

Article original en anglais sur Al-Mayadeen / Traduction MR