Partager la publication "Cisjordanie occupée : record de terres volées par Israël. Plus d’hectares annexés depuis le 7 octobre qu’en 30 ans"
ISM, Beit Lid, nord de la Cisjordanie occupée, 16 janvier 2025. – Depuis le 7 octobre, alors que tous les regards sont tournés vers Gaza où ils détruisent tout, les Israéliens ont saisi le plus grand nombre de dunams jamais vu ici en Cisjordanie. « En un an, ils ont déclaré « terres israéliennes » plus d’hectares qu’ils n’en avaient jamais déclaré au cours des 30 dernières années », dit R., en regardant le nouvel avant-poste qui s’élève devant nous à Beit Lid. « Si les États occidentaux continuent de financer et de légitimer Israël, peut-être qu’ils essaieront vraiment d’annexer toute la Cisjordanie. » Il secoue la tête. « En plus des terres qu’ils volent, il faut compter toutes les routes qu’ils bloquent, et les terres auxquelles nous n’avons plus accès parce qu’elles sont proches des nouvelles colonies israéliennes. » Une demande, un cri silencieux qui résonne de plus en plus clairement du nord au sud de la Cisjordanie, où Israël mène une véritable guerre d’annexion, faite de saisies de terres record, de destructions de maisons palestiniennes et d’un flot de fonds pour les colonies illégales qui surgissent déjà sur les terres palestiniennes.
La famille élargie de R. nous accueille au milieu des oliviers du petit village de 5.600 habitants situé entre Tulkarem et Naplouse, au nord de la Cisjordanie. On nous sert d’abord du thé, puis du café, dans la tradition de l’accueil typique des Palestiniens. Six agriculteurs sont réunis pour nous accueillir. « C’est là, vous voyez ? C’est le nouvel avant-poste d’Abu Jamrah, qui va agrandir la colonie d’Einav. Ils nous ont volé 30 dunams (3 ha) de terre pour le construire. »
Devant nous, sur la colline en face, des caravanes et des préfabriqués, une antenne de télécommunications, des voitures et des véhicules. « Depuis le 7 octobre, l’Autorité israélienne a commencé à étendre ses colonies dans les territoires palestiniens. Ce n’est qu’un exemple. « Ces derniers mois, dans la seule province de Tulkarem, ils ont construit quatre autres avant-postes : Qaffin, Shweikeh, Avni Hevets (shouffeh) et Jbara. Ils volent de plus en plus de terres, dans le silence de tous », explique R. À des centaines de mètres à vol d’oiseau de l’avant-poste, au milieu de la végétation, flotte un grand drapeau israélien. « Ils veulent aller jusque-là. Comme toujours, ils n’y ont aucun droit. Cette terre appartenait à la famille de mon grand-père. »
Dans la zone autour de Tulkarem, les Israéliens ne délivrent même pas d’accords pour accéder à quelques jours de terre : c’est une punition collective pour toute la population du village, considéré comme le « berceau » de la résistance, disent-ils. « Cette année, ils nous ont empêchés de récolter environ 2.000 oliviers », répète R., au nom de tous. Un coup dur pour les économies familiales déjà difficiles en cette période de guerre. « Les colons ont même essayé de voler nos ânes, mais ils n’ont pas réussi. »
L’histoire de la famille de R. est l’histoire de plus en plus de Palestiniens qui, depuis le 7 octobre, subissent encore plus de harcèlement, de violence et de vol de terres que depuis le début de l’occupation de 1967.
Selon la Commission de résistance au mur et à la colonisation, Israël a confisqué 52.000 dunams (5.200ha) en un an. C’est un chiffre énorme, aggravé par les nouvelles annexions déclarées ces dernières semaines. En fait, en une seule journée, le ministre des Finances Bazalel Smotrich a annoncé la confiscation de 24.000 dunams (2.400ha) les déclarant « terres d’État ». Il s’agit de la plus grande confiscation jamais effectuée, couvrant plus de la moitié des hectares qu’Israël a pris depuis les accords d’Oslo en 1993. À cela s’ajoutent les 25.000 dunams (2.500ha) qui ont été confisqués sous prétexte de modifier les limites des réserves naturelles, ainsi que les 1.233 dunams (123ha) confisqués à des « fins militaires ». La « pratique » israélienne des terres « étatiques » autoproclamées avait été interrompue en 1992, jusqu’à ce que le premier gouvernement de Netanyhahu la ressuscite en 1998. Depuis lors, jusqu’au 7 octobre 2023, les confiscations ont été périodiques jusqu’à atteindre le chiffre de 40.000 dunams (4.000ha).
Au cours des 14 derniers mois, il semble que le gouvernement se soit précipité pour s’emparer d’autant de terres que possible. L’objectif est clair, et les différents ministres de Tel-Aviv l’ont ouvertement déclaré : créer des couloirs entre les colonies, en construire de nouvelles, annexer la Cisjordanie et ainsi lutter contre les tentatives de construction d’un État palestinien. Un objectif qu’Israël a toujours eu, mais qui connaît une accélération sans précédent. « 2025 sera l’année de la souveraineté sur la Judée et la Samarie », a écrit Smotrich sur X, en utilisant le nom qu’Israël donne à cette partie de la Palestine. Les ministres de Tel-Aviv veulent profiter de la présidence de Trump, et peut-être de l’inaction internationale désormais manifeste, pour mettre en œuvre l’un de leurs plans pour la création du Grand Israël : la disparition de la Cisjordanie en tant que telle. À commencer par le désinvestissement déjà annoncé de l’Administration civile en Cisjordanie et le transfert de ses pouvoirs directement aux mains des ministères israéliens.
Selon l’organisation israélienne PeaceNow, au moins 43 nouveaux avant-postes ont été construits depuis le 7 octobre dans toute la région, et 5 nouvelles colonies. 70 avant-postes – illégaux selon la loi israélienne elle-même – ont été légalisés, plus 3 autres qui ont été désignés comme « quartiers » de colonies voisines. De nouvelles colonies ont également été légalisées à l’intérieur de la ville d’Hébron. La colonisation du territoire se fait également grâce aux dizaines de kilomètres de routes pour relier les colonies qui ont été approuvés, avec un financement de plus de 7 milliards de shekels. Environ 450 millions de shekels supplémentaires ont été promis pour des « projets » dans les colonies et les avant-postes pour encourager l’arrivée de nouveaux colons.
Alors qu’il empêche les Palestiniens de construire de nouvelles maisons, en partie grâce à la définition de nombreuses terres comme « zones militaires » ou « réserves naturelles », le gouvernement de Tel-Aviv a autorisé la construction de 8.861 nouveaux logements dans les colonies. Simultanément, par la violence des colons et de l’armée, au moins 277 familles palestiniennes (environ 1.630 personnes) et entre 19 et 28 communautés bédouines toute entières ont été chassées de leurs terres. Les menaces, les incendies, les vols de bétail, les sabotages des moyens de subsistance et les violences de toutes sortes se sont en effet intensifiés dans de nombreuses zones de Cisjordanie (alors que c’était déjà la norme dans de nombreuses zones avant même le 7 octobre). D’autant qu’Israël a donné le feu vert aux colons et leur a donné des milliers d’armes, leur promettant de fait l’impunité pour leurs actes. Depuis le 7 octobre, 16.663 attaques ont été perpétrées contre des terres et des biens palestiniens.
Au moins 900 maisons ont été démolies, sans compter les centaines et centaines de maisons détruites lors des raids militaires sur les camps de Jénine, Tulkarem, Tubas et Naplouse.
La Cisjordanie subit une attaque directe sans précédent. Le 15 décembre, le ministère palestinien des Affaires étrangères et des Expatriés a également exprimé sa profonde inquiétude face à la récente escalade des actions unilatérales et illégales d’Israël en Cisjordanie occupée qui vise à « intensifier et étendre le nettoyage ethnique et l’annexion progressive ». Il a appelé la communauté internationale à mettre en œuvre ses résolutions, en particulier la résolution 2735 du Conseil de sécurité de l’ONU et la décision de l’Assemblée générale de l’ONU adoptant l’avis consultatif de la Cour internationale de justice.
« Résoudre la question palestinienne et mettre fin à l’occupation est le seul moyen d’assurer la sécurité, la stabilité et la prospérité pour la région et le monde », a-t-il réitéré. Dans l’espoir que quelqu’un agira.
Article original en anglais sur Palsolidarity.org / Traduction MR