Partager la publication "Déclaration du Procureur de la CPI, Karim A.A. Khan K.C., à propos de la délivrance de mandats d’arrêt en rapport avec la situation dans l’État de Palestine"
Cour Pénale Internationale/ICC, 21 novembre 2024. Le 20 mai 2024, mon Bureau a déposé des requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêts auprès de la Chambre préliminaire I en lien avec la situation dans l’État de Palestine.
Aujourd’hui, sur la base des éléments de preuve présentés par mon Bureau, les juges ont confirmé qu’il existait des motifs raisonnables de croire que des crimes relevant du Statut de Rome ont été commis.
En ce qui concerne Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, plus connu sous le nom de Deïf, commandant en chef de la branche militaire du Mouvement de résistance islamique « Hamas », connu sous le nom de brigades « Al-Qassam », les juges de la Cour pénale internationale ont estimé qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’il est responsable des crimes contre l’humanité de meurtre, extermination, torture, viol et autres formes de violence sexuelle, ainsi que des crimes de guerre de meurtre, traitements cruels, torture, prises d’otages, atteintes à la dignité de la personne, viol et autres formes de violence sexuelle.
En ce qui concerne le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu et l’ancien Ministre israélien de la Défense Yoav Gallant, les juges de la Cour pénale internationale ont estimé qu’il existait des motifs raisonnables de croire que chacun d’eux a commis le crime de guerre de famine comme méthode de guerre ainsi que les crimes contre l’humanité de meurtre, persécution et autres actes inhumains en tant qu’auteur direct, ayant agi de concert avec d’autres. La Chambre a également estimé qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’ils sont responsables à titre individuel du crime de guerre d’avoir intentionnellement dirigé des attaques contre des civils en tant que supérieur hiérarchique.
Mon Bureau avait également déposé des requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêt à l’encontre de M. Yahya Sinwar, alors chef du Hamas dans la bande de Gaza, et de M. Ismail Haniyeh, ancien chef de la branche politique du Hamas, mais les avait retirées par la suite lorsque la preuve de leur décès a pu être apportée.
Aujourd’hui, l’attention de la communauté internationale devrait se tourner vers les victimes des crimes internationaux en Israël et dans l’État de Palestine. Lors de mes rencontres avec les victimes et les familles des otages enlevés dans les kibboutz, et avec les victimes de Gaza qui ont perdu tant d’êtres chers, j’ai tenu à rappeler que la loi s’appliquait à tous, que son rôle était de défendre les droits de toutes les personnes.
La décision des juges indépendants de la Cour pénale internationale fait valoir que le droit international humanitaire doit être respecté en toutes circonstances dans le cadre de procédures judiciaires équitables et impartiales.
Comme je l’ai souligné en mai, ces requêtes ont été déposées au terme d’une enquête indépendante et se fondent sur des preuves objectives et vérifiables qui ont fait l’objet d’une évaluation rigoureuse dans le cadre d’un examen criminalistique.
J’appelle tous les États parties à s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu du Statut de Rome en respectant et en exécutant ces ordonnances judiciaires. Nous comptons sur leur coopération à l’égard de cette situation, comme de toutes les autres situations relevant de la compétence de la Cour. Il est à noter, en outre, que nous acceptons volontiers de nouer une collaboration avec des États non parties afin d’établir les responsabilités des auteurs de crimes et de faire respecter le droit international.
Je continuerai également à solliciter la coopération de toutes les parties prenantes, y compris celles de l’État d’Israël et de l’État de Palestine, afin de veiller à ce que mon Bureau s’acquitte pleinement de ses obligations en vertu de l’article 54 du Statut de Rome, à savoir enquêter tant à charge qu’à décharge. Conformément au Statut de Rome, la porte de la complémentarité reste ouverte. Comme dans toutes les situations, nous continuerons d’évaluer systématiquement la mise en œuvre de ce principe fondamental, en vertu duquel doivent être menées de véritables enquêtes nationales ainsi que des poursuites judiciaires à l’encontre des mêmes personnes pour un comportement intrinsèquement identique.
Parallèlement, le Bureau continue de mener une enquête indépendante et impartiale sur la situation dans l’État de Palestine. Nous poursuivons d’autres pistes d’enquête dans des zones relevant de la compétence de la Cour, notamment Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Je suis profondément préoccupé par les informations faisant état d’une escalade de la violence, de l’accès de plus en plus restreint à l’aide humanitaire et de la multiplication des allégations de crimes internationaux à Gaza et en Cisjordanie.
Nous continuerons à nous acquitter de notre mandat afin de faire respecter le principe fondamental inscrit dans le Statut de Rome, à savoir que toutes les vies humaines se valent.