Partager la publication "Pourquoi les Israéliens sont incapables de mettre en œuvre un cessez-le-feu"
Robert Inlakesh, 16 août 2024. On a de nouveau accordé beaucoup d’importance aux inutiles négociations de cessez-le-feu censées mettre fin à la guerre à Gaza, bien que le Hamas ait refusé de s’impliquer dans le processus de roue à hamster dont les États-Unis disent au monde qu’il représente une initiative diplomatique sérieuse. En réalité, un conflit régional est déjà ouvert, on ne reviendra jamais au monde d’avant le 7 octobre et l’avenir de l’entité sioniste est de rester dans un état de guerre perpétuelle.
Soyons clairs, si le gouvernement américain voulait un cessez-le-feu, il aurait déjà eu lieu ou serait annoncé soudainement. Le cadre est déjà là pour cela, un accord pourrait être mis en œuvre et chaque Israélien détenu à Gaza serait finalement échangé contre un grand nombre de détenus palestiniens. Nous n’avons pas besoin de remonter bien loin pour démontrer qu’un tel cessez-le-feu et un tel échange de prisonniers sont possibles ; une trêve plus modeste et un échange de prisonniers ont eu lieu en novembre de l’année dernière, ce qui a prouvé que le Hamas mettait en œuvre un tel accord. Pourtant, ni les États-Unis ni leurs alliés israéliens ne cherchent un cessez-le-feu significatif et ils ne jouent avec cette notion qu’à des fins politiques.
Il faudra bien qu’un cessez-le-feu soit enfin instauré à Gaza, probablement à la suite d’une escalade importante dans la région d’Asie occidentale, mais même dans le cas où cela se produirait plus tôt que prévu, la guerre se poursuivra ailleurs.
On ne peut ignorer le niveau d’extrémisme génocidaire présent dans toutes les couches de la société israélienne. Nous ne parlons plus des politiciens intelligents, des sous-discours et de la rhétorique aseptisée du passé ; il s’agit d’une suprématie ethnique brute et éhontée. Itamar Ben Gvir est le ministre de la Police israélienne et Bezalel Smotrich est le ministre des Finances de l’entité, ils ne sont pas des éléments marginaux du mouvement des colons en Cisjordanie, ils contrôlent directement la politique du régime.
Il n’existe pas de forces politiques israéliennes notables qui s’opposent à la guerre à Gaza ni aucune manifestation anti-guerre notable de la part des Israéliens juifs. Même les Palestiniens de 48 vivant dans les territoires occupés sont souvent trop intimidés pour oser organiser des manifestations, malgré leur chagrin face à ce qui se passe à Gaza. Les manifestations qui ont souvent lieu contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sont motivées par l’inquiétude pour les prisonniers israéliens détenus à Gaza et les soldats qui meurent aux mains de la résistance ; les civils palestiniens sont le cadet de leurs soucis.
Les libéraux occidentaux ont avancé l’argument selon lequel les Israéliens en ont assez de Netanyahou et qu’il serait chassé du pouvoir en cas d’élections, afin de suggérer qu’il existe en quelque sorte une voix de la raison opposée au leadership actuel. Ces conclusions sont fondées sur des sondages obsolètes, alors que le dernier suggère que le Premier ministre israélien reste actuellement l’homme politique le plus populaire et que malgré les projections selon lesquelles il ne pourrait pas obtenir de coalition, il surclasserait toujours son opposition. Pourtant, cela n’a aucune importance, car le problème pour beaucoup d’Israéliens n’est pas que Benjamin Netanyahou mène une guerre génocidaire qui massacre des dizaines de milliers d’enfants. Tous les sondages suggèrent que l’écrasante majorité du public sioniste pense que suffisamment ou pas assez de force est utilisée dans la bande de Gaza, tandis que le nombre de ceux qui pensent que trop de force a été utilisée reste à un seul chiffre (en pourcentage).
Pourquoi souligner cela ? Parce que le rêve sioniste a été brisé à tous les niveaux. Nous avons désormais largement dépassé l’idée d’une « capacité de dissuasion » israélienne, sans parler de l’expansionnisme, il est devenu évident pour quiconque a des yeux que le régime sioniste n’a aucun moyen de faire face aux menaces posées par le Liban, le Yémen, la Syrie, l’Iran et l’Irak, à part ouvrir une guerre régionale plus large. L’armée du régime sioniste a échoué dans la bande de Gaza à vaincre la résistance palestinienne et n’a désormais d’autre issue qu’une guerre régionale plus large ou un cessez-le-feu.
Si nous regardons l’état de l’économie israélienne, le tourisme est mort, 46.000 entreprises ont été déclarées en faillite, les importations et les exportations ont chuté, les investisseurs se retirent, des projets de plusieurs milliards de dollars échouent, le port d’Eilat a fait faillite, la valeur du shekel a chuté et la liste est longue. Dans le nord de la Palestine occupée, l’industrie est morte, les colonies ont été évacuées et ont été/sont bombardées de missiles, de drones et de roquettes, tandis que plus de 100.000 personnes déplacées n’ont nulle part où aller.
L’armée israélienne est épuisée et a dispersé ses soldats sur les fronts de Gaza, de Cisjordanie et du nord de la Palestine occupée, tout en faisant face à un manque de chars et de véhicules blindés de transport de troupes au cas où la guerre éclaterait dans le nord. Ses soldats mal entraînés, indisciplinés et surmenés sont clairement incapables de combattre des groupes comme le Hezbollah.
Tout cela est évident et cette faiblesse a fait ressortir le pire chez les Israéliens qui avaient déjà adopté une idéologie d’apartheid. Au fond, ils aimeraient tous retourner à la bulle raciste délirante dans laquelle ils vivaient avant le 7 octobre, mais ce n’est pas possible. Le monde n’oubliera jamais ce qui a été fait et les survivants n’abandonneront jamais leur lutte pour l’autodétermination.
L’idée que leur colonie de peuplement raciste puisse exister dans la prospérité aux dépens de toute la région est menacée, une menace existentielle, et avec elle, l’hégémonie américaine l’est aussi. C’est pourquoi ni Washington ni Tel-Aviv ne renonceront à leur position de poursuite de la « victoire ». Benjamin Netanyahou est entouré d’une coalition de cinglés extrémistes qu’il a aidé à porter au pouvoir, un projet qui a débuté en 2005. Derrière lui se trouve également une population israélienne qui souhaite le retour de ses captifs et pourrait exercer une certaine pression en ce sens, mais qui souhaite également que Gaza soit définitivement rayée de la carte. Il n’y a donc aucune raison de mettre fin à la guerre à Gaza, que ce soit aux États-Unis ou sur le plan national, puisque les forces de résistance de la région sont les seules à pouvoir exercer une réelle pression.
Si vous voulez avoir une bonne idée de ce que pense la société israélienne, sachez qu’après la déclaration du procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, demandant un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien, le soutien à Netanyahou a bondi dans les sondages. Ou encore, regardez le fait qu’il était tout à fait acceptable que la question du viol collectif d’un prisonnier palestinien sans défense, décédé des suites de ses blessures et détenu sans inculpation, soit débattue à la Knesset israélienne, avec un membre du parti Likoud de Netanyahou défendant passionnément les violeurs collectifs. L’un de ces violeurs collectifs a même été invité à la télévision israélienne pour défendre les actes commis par lui et ses collègues soldats, malgré la présence d’une vidéo montrant l’horrible scène. Des manifestations ont même éclaté en faveur de 10 soldats accusés d’implication dans l’affaire de viol collectif, que Ben-Gvir a qualifiés de héros, et une organisation israélienne de représentants légaux de quatre des accusés a fait valoir que le viol collectif avait eu lieu en état de légitime défense. Que l’on observe l’élite politique israélienne, l’armée, la police, les services de renseignements, la société ou les médias, on assiste à une obsession génocidaire. En effet, leur idéologie narcissique suprématiste s’effondre sous leurs yeux et ils commencent à comprendre que le maintien de l’apartheid n’est plus viable.
Les Israéliens n’ont plus la possibilité de mettre en œuvre la seule solution qui leur aurait permis de continuer à exister. Si le régime sioniste avait réellement pris au sérieux les accords d’Oslo et avait simplement accepté le droit international comme consensus pour une prétendue solution à deux États, il aurait peut-être pu maintenir son régime. Mais son idéologie expansionniste raciste rendait inconcevable de permettre au peuple palestinien d’accéder aux droits humains fondamentaux sur seulement 22 % de la Palestine historique.
Nous arrivons maintenant à la phase finale de ce projet colonial de peuplement et les Israéliens ont compris que le maintien de leur régime ethno-suprématiste de privilège absolu signifiait l’extermination et le nettoyage ethnique de tous ceux qui se trouveraient sur leur chemin. Ils sont tellement immergés dans leur propre forme collective de narcissisme, dans laquelle ils se considèrent à la fois comme la victime et le héros de l’histoire, qu’il est impossible de s’arrêter maintenant. C’est aussi pourquoi la société israélienne est divisée sur la question du type de régime ethno-suprématiste qu’elle recherche : s’agira-t-il d’un régime laïc ou religieux à l’avenir ?
C’est pourquoi, avec le soutien total des Etats-Unis, ils commettent lentement un suicide national. Ce processus pourrait être quelque peu retardé si un cessez-le-feu est conclu à Gaza, empêchant la fin immédiate du régime par des moyens militaires, mais la guerre continuera par d’autres moyens. La Cisjordanie finira probablement par devenir leur souffre-douleur jusqu’à ce qu’ils puissent à nouveau déclencher une escalade ailleurs et la seule promesse qui puisse être faite à leur propre peuple est un avenir de guerre perpétuelle.
Article original en anglais sur Al Mayadeen / Traduction MR