Des soldats israéliens détenus pour interrogatoire dans le cadre d’une enquête sur des abus sur des prisonniers

Au moins neuf réservistes ont été détenus dans une base militaire où se trouvaient des milliers de Gazaouis, incitant des ultranationalistes à pénétrer dans la base en signe de protestation.

Capture d’écran de la vidéo publiée par The New-York Times.

Vivian Yee, Johnatan Reiss et Gabby Sobelman, 29 juillet 2024. La police militaire israélienne a arrêté au moins neuf réservistes militaires lundi dans une base de l’armée israélienne où des milliers de Palestiniens de Gaza sont détenus, les emmenant pour interrogatoire dans le cadre d’une enquête sur « des abus substantiels présumés sur un détenu », a déclaré l’armée.

Elle n’a pas donné de détails sur les allégations d’abus, mais un avocat représentant trois des soldats a déclaré qu’ils étaient interrogés pour suspicion d’abus sexuel grave sur un prisonnier palestinien. Plusieurs médias israéliens ont rapporté que le prisonnier avait été hospitalisé avec une grave blessure à l’anus.

L’avocat, Nati Rom de Honenu, un groupe d’aide juridique d’extrême-droite, a déclaré que ses clients niaient toutes les accusations portées contre eux. Les autres réservistes arrêtés lundi étaient représentés par l’avocat principal de la défense de l’armée, qui n’a pas répondu à une demande de commentaires.

La détention des réservistes a rapidement déclenché une crise dans la base où les abus présumés ont eu lieu, appelée Sde Teiman, où des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont montré des réservistes criant de colère à propos du raid visant à arrêter les soldats – un exemple rare de soldats israéliens affrontant les leurs.

Les tensions se sont intensifiées, comme le montrent des vidéos, lorsqu’une foule de manifestants civils brandissant des drapeaux a fait irruption dans la base par ses portes métalliques en soutien aux réservistes détenus. En fin d’après-midi, l’armée a déclaré que la police et les soldats avaient chassé les manifestants de la base.

Plus tard, des vidéos ont émergé montrant des manifestants qui avaient forcé l’entrée de la base de Beit Lid, où se trouvent les tribunaux militaires et la police militaire d’Israël, et où les réservistes ont été emmenés pour être interrogés. Certains ont fait irruption dans le bâtiment du tribunal de Beit Lid.

L’affrontement montre à quel point l’extrême-droite israélienne s’est enhardie. Parmi les manifestants de Sde Teiman se trouvait au moins un député d’extrême-droite, Zvi Sukkot du Parti sioniste religieux, que l’on peut voir dans une vidéo se faufiler dans la base par une porte alors qu’un homme en uniforme tentait de le repousser. Et le ministre des Finances d’extrême-droite d’Israël, Bezalel Smotrich, chef du Parti sioniste religieux, a déclaré que les soldats ne devaient pas être arrêtés comme des « criminels ». « J’appelle le procureur militaire en chef à ne plus toucher aux réservistes », a écrit M. Smotrich sur X.

[Une autre vidéo montre le ministre du Patrimoine, Amichai Eliyahu, manifestant pour défendre le droit des soldats à commettre des actes de sodomie sur les détenus, NdT]

Mais le Premier ministre Benjamin Netanyahu a adopté un ton différent dans une brève déclaration, appelant au calme à Sde Teiman et affirmant qu’il « condamne fermement l’effraction ».

Les dirigeants militaires et le ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont souligné la nécessité de maintenir la loi et l’ordre.

« Même dans les moments difficiles, la loi s’applique à tout le monde », a déclaré M. Gallant dans un communiqué. « Personne ne peut pénétrer dans les bases de Tsahal ou violer les lois de l’État d’Israël », a-t-il ajouté, en utilisant l’abréviation des Forces de défense israéliennes.

Sde Teiman est l’endroit où la grande majorité des détenus de Gaza ont été interrogés ou hébergés depuis le début de la guerre. Les pratiques de détention dans cette base ont suscité des accusations répétées selon lesquelles Israël maltraite et abuse des prisonniers palestiniens.

Certains en Israël ont déclaré que la manifestation et l’effraction ont renforcé les allégations selon lesquelles les forces israéliennes n’avaient guère de respect pour la loi lorsqu’il s’agissait de détenus de Gaza, parmi lesquels figurent des personnes dont on a déterminé plus tard qu’elles n’avaient aucun lien avec le Hamas ou d’autres groupes armés. Lors d’entretiens, d’anciens détenus de Sde Teiman ont décrit des passages à tabac et d’autres violences physiques.

Les soldats de la base « agissaient en dehors de toute loi – d’abord dans leur traitement des détenus, et maintenant envers les agents des forces de l’ordre militaires », a déclaré le Comité public contre la torture, un groupe israélien de défense des droits de l’homme, dans un communiqué. Le soutien des dirigeants d’extrême-droite aux réservistes détenus, ont-ils ajouté, est « emblématique des causes profondes qui permettent à de tels abus de se produire en premier lieu ».

Article original en anglais sur The New-York Times / Traduction MR


Vivian Yee a fait son reportage depuis le Caire, Johnatan Reiss depuis Tel Aviv et Gabby Sobelman depuis Jérusalem.


Note ISM-France : Pendant ce temps, un grand débat a agité la Knesset : “est-il légitime de violer un prisonnier palestinien ?” La réponse semble être que “oui, on a tous les droits”.