L’armée d’occupation est gravement touchée par les suicides, les baisses de moral et les maladies mentales

Aziz Mustafa, 25 juin 2024. Plus de 250 jours après le début de l’agression israélienne contre les Palestiniens à Gaza, l’armée d’occupation israélienne révèle peu à peu les problèmes qui tuent ses troupes, ainsi que d’autres facteurs qui limitent sa capacité à atteindre ses prétendus objectifs. Il est question d’un nombre croissant de suicides, de problèmes psychologiques graves et d’un moral en berne. Le trouble de stress post-traumatique (SSPT) est un véritable problème.

L’armée aurait ouvert une enquête sur le phénomène des suicides parmi ses soldats, faute d’avoir été en mesure d’y remédier de manière adéquate. C’est un symptôme de la maladie mentale qui touche de plus en plus de soldats israéliens, et pas seulement parmi les simples soldats. Au moins un lieutenant-colonel s’est suicidé, ce qui a amené le directeur du Centre d’études sur le suicide et la souffrance mentale Lior Tsfaty, le professeur Yossi Levi-Belz, à déclarer que la question est extrêmement surprenante car ils n’y sont pas habitués pendant le combat, même si cela inclut ceux qui souffrent du SSPT, qui se réveillent chaque matin avec divers images, sons et sentiments de culpabilité. Cependant, l’armée refuse de publier les noms des soldats et officiers qui se sont suicidés et les garde secrets.

Néanmoins, nous savons qu’entre 1973 et 2024, 1.227 soldats israéliens se sont suicidés, selon les registres officiels, mais on estime que le nombre réel est bien plus élevé. Certains ont affirmé que l’armée dissimulait le chiffre exact. La volonté de combattre s’est effondrée, malgré les destructions perpétrées à Gaza. Le moral est bas. L’armée commence à osciller entre un esprit militaire dégradé et une volonté de désertion. De plus en plus réticents à servir dans les territoires palestiniens occupés, y compris Gaza, Israël est confronté à l’effondrement imminent de ses forces de réserve (1). La frustration et l’anxiété se propagent parmi les soldats, entraînant une perte de préparation au combat, un moral en baisse et un profond sentiment de peur et de désespoir.

Les soldats israéliens ont constaté à Gaza que malgré leur équipement supérieur et leur entraînement intense, ils sont devenus des cibles faciles pour les combattants de la résistance. Il ressort clairement du pourcentage de soldats tués au combat que leur vie dans les chars est devenue un enfer insupportable. Leurs ordres consistent à rester à l’intérieur des chars tout le temps, et ils ne doivent même pas regarder hors de leurs chars au cas où ils seraient abattus par des tireurs d’élite. Ne demandez même pas comment ils vont aux toilettes.

De plus, l’armée d’occupation perd le niveau élevé de confiance du public dont elle jouit depuis des décennies.

Cette confiance dans les dirigeants de l’armée s’est érodée depuis le début de la guerre à Gaza, tombant de 75 pour cent en mars à 59 pour cent début mai, tandis que 70 pour cent des Israéliens pensent apparemment que le chef d’état-major général Herzl Halevi devrait démissionner en raison de son échec en matière de sécurité le 7 octobre.

Il s’agit là d’une préoccupation majeure pour l’armée, qui considère que maintenir sa position dans le cœur des citoyens israéliens est un devoir officiel. Le problème n’a pas été résolu par ses échecs à Gaza et par les commentaires négatifs des soldats revenant du front, augmentant ainsi l’impact de ses échecs sur son image autrefois bien polie.

De plus en plus d’Israéliens ne croient plus que les « Forces de défense israéliennes » sont les plus puissantes de la région. Au lieu de cela, ils sont moins optimistes quant aux capacités des troupes, ce qui rend difficile de remonter le moral dans les rangs et de gagner la guerre à Gaza. Les officiers supérieurs craignent désormais une perte totale de crédibilité de l’armée. Ce qui est encore plus dangereux, c’est qu’ils n’ont plus l’autorité « morale » nécessaire pour envoyer des soldats à la guerre après l’échec des services de renseignement en octobre dernier.

La crise de confiance dans l’armée d’occupation était évidente, non pas dans les voix critiques à l’étranger, même si elles étaient nombreuses, mais au sein de l’institution. Un groupe d’officiers supérieurs de réserve ayant le grade de général de brigade et au-dessus souhaitent une enquête externe sur les échecs de la guerre à Gaza, car ils ont constaté de leurs propres yeux que de très graves erreurs ont été commises, à la suite desquelles l’État d’occupation a payé un lourd tribut.

L’érosion de l’immunité coutumière de l’armée face aux critiques publiques au cours des derniers mois est un problème important, car elle modifie sa relation de longue date avec la société israélienne dans son ensemble. Jusqu’à il y a quelques années, l’armée était une « vache sacrée » que les Israéliens ne critiquaient ni ne cherchaient à nuire de quelque manière que ce soit.

Au cours des huit derniers mois de guerre à Gaza, les problèmes psychologiques ont considérablement augmenté parmi le personnel militaire.

Les données montrent qu’au cours des derniers mois, il y a eu une augmentation inquiétante du nombre de personnes bénéficiant de services psychologiques, au point que les responsables de la division des ressources humaines de l’armée affirment que les « problèmes psychologiques » sont devenus une porte de sortie commode pour les citoyens pour échapper au service militaire.

Il convient de noter que parmi les troubles dont souffrent les soldats israéliens figurent la solitude et l’isolement ; la séparation forcée d’avec leurs proches ; une mauvaise alimentation, une mauvaise boisson et un mauvais sommeil ; et une pression énorme en raison de leur incapacité à prédire les tactiques de guérilla, ce qui rend difficile pour eux d’anticiper l’heure et le lieu de la prochaine attaque ou embuscade. Ils ont également été accablés par d’autres pressions de combat, au point que leurs défenses psychologiques s’épuisent, puis des dépressions psychologiques surviennent, accompagnées d’insomnie, de repli sur soi, de confusion, de paranoïa, de méfiance, de sentiment d’être persécutés et d’une escalade exponentielle des tensions sociales et psychologiques.

Alors que la guerre à Gaza a imposé de lourds coûts aux Israéliens en termes de pertes humaines et de blessures physiques, les troubles psychologiques ont poussé des milliers de soldats à se faire soigner. En raison du stress post-traumatique, les gens ont commencé à vivre dans un état d’isolement psychologique, le phénomène des pleurs se propageant parmi les soldats. Beaucoup ont eu recours aux formes de violence les plus graves pour laisser libre cours aux pressions qui les tourmentent.

(1) La Cour suprême a ordonné mardi la conscription des étudiants ultra-orthodoxes en yeshiva, ou écoles talmudiques, jusqu’ici exemptés, sur fond de débats à la Knesset et au sein du gouvernement sur le sujet. The Times of Israël en français, 25 juin 2024.

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR